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France a présidé la commission mexicaine, que les receveurs-généraux ont été chargés du placement des obligations non souscrites, que l’état en un mot a contracté un lien moral vis-à-vis des porteurs de titres. Malgré l’intérêt des créanciers du Mexique et du trésor public français, qui a reçu dans sa caisse à titre de remboursemens une partie des obligations, il serait insensé de vouloir que le gouvernement songeât à courir de nouvelles chances pour protéger ceux qui ont si imprudemment engagé leurs fonds. Le mal est fait, la perte est grosse ; la somme compromise viendra s’ajouter à celle que réclamaient les nationaux pour qui la guerre semblait entreprise. Cette dure leçon aura peut-être d’heureux résultats dans l’avenir. Elle enseignera aux gouvernemens le danger auquel ils exposent la fortune publique et privée en s’immisçant dans les emprunts des états étrangers. La seule chance de salut qui reste aux intéressés dépend donc de la vitalité de l’empire dont ils se sont faits les créanciers. Cette chance est-elle sérieuse ? Y a-t-il un remède au mal ? C’est ce que nous allons examiner.


I

Dès la fin de l’année 1861, il est certain, malgré les dénégations, que l’archiduc Maximilien avait déjà jeté les yeux sur la couronne mexicaine. Dans une première lettre olographe, écrite à cette époque de Miramar à certains notables de Mexico, l’archiduc exigeait, pour accepter le trône, « la garantie morale et matérielle de la France et de l’Angleterre. » Sans blesser en rien les lois de la discrétion militaire, complètement étrangère à cet incident, nous pouvons dire que nous avons lu ce précieux document et savons en quelles mains il se trouve. Plus tard, l’archiduc, moins exigeant dans ses prétentions et emporté par un généreux élan, accepta la grande tâche qui s’offrait à lui. Il était beau en effet d’entreprendre la régénération d’un peuple, d’essayer de lui rendre la paix et la richesse ; mais le nouveau souverain eut le tort de se placer au point de vue européen pour juger le Nouveau-Monde : il crut que son royaume grandirait sans peine à l’ombre du drapeau tricolore qui flottait dans sa patrie d’adoption ; il espéra tout du concours de 30,000 soldats français aguerris et disciplinés opposés à des bandes commandées par des chefs inhabiles et divisés. Certes trois années d’une pareille guerre eussent largement suffi à la pacification du pays le plus rebelle du continent. Les illusions furent de courte durée, et les habitans de Vera-Cruz, qui désertèrent leurs rues et leurs maisons pour témoigner de leurs sentimens hostiles au nouveau régime, n’ont pas oublié les larmes que versa