la pratique sans concession de ses principes cette nombreuse famille des Giotteschi, dont, cent ans après la mort du chef de la race, un des derniers membres, Cennino Cennini, enregistrait pieusement dans son traité les croyances obstinées et célébrait les vertus traditionnelles. Ce qu’il convient seulement de rechercher, ce sont les preuves de soumission ou d’indépendance qu’ont pu laisser quelques peintres contemporains de Giotto et les souvenirs qui méritent de vivre en compagnie de cette glorieuse mémoire, les noms qu’il est juste d’inscrire à côté de cet illustre nom.
Des diverses écoles ou plutôt, — car les écoles n’étaient pas, à vrai dire, constituées encore, — des divers groupes de peintres qui, dès les premières années du XIVe siècle, contribuent, avec le réformateur principal, à donner à l’art italien une nouvelle vie, le plus zélé sans contredit comme le plus considérable par le talent est celui des peintres siennois. Florence, qui devait bientôt fournir à Giotto tant d’élèves dignes de lui, Florence ne compte d’abord auprès du maître que des artistes aussi peu en mesure de seconder utilement ses efforts que d’opposer un semblant de rivalité à sa doctrine et à son influence. Un d’entre eux dont le nom doit peut-être la meilleure part de sa célébrité aux souvenirs de gaieté qui s’y rattachent et que Boccace a popularisés, Buonamico Buffalmacco, nous a transmis sur les murailles du Campo-Santo à Pise des spécimens de sa manière outrée, bizarre, d’un goût si violent pour les grimaces et les laideurs qu’il tyrannise l’imagination du peintre jusque dans l’expression de la majesté divine, et que la figure du Christ elle-même prend sous son pinceau je ne sais quelle apparence convulsive. Un autre Florentin que Buffalmacco eut pour associé ou pour complice dans la plupart de ses travaux, et dont le nom se trouve aussi dans le Décaméron mêlé au récit de plus d’une joyeuse aventure, Giovanni Bruno, ne se montre, quand il agit pour son propre compte, ni mieux inspiré, ni plus habile, et le tableau de sa main représentant Sainte Ursule, que possède l’Académie des beaux-arts à Pise, ne nous semble guère mériter l’attention qu’à titre de curiosité archéologique. Les œuvres des Siennois Ugo-lino, Segna et de quelques autres ont au contraire une sérieuse valeur pittoresque, un genre de beauté sinon sans inégalité, au moins sans démenti, et par-dessus tout une physionomie trop ouvertement nationale pour qu’on puisse les confondre avec les travaux accomplis ailleurs vers le même temps. Serait-on autorisé pourtant à n’y voir que l’expression d’une doctrine uniforme et acceptée par tous avec une égale docilité ? N’y a-t-il, parmi les artistes qui travaillent à Sienne au commencement du XIVe siècle, que des gens mettant au service d’une même cause la même somme de qualités,