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documens écrits et dans les revendications scientifiques. Les auteurs de la nouvelle Histoire de la peinture en Italie ont donc pour eux mieux que des théories ou des traditions discutables ; ils ont ce qui subsiste au grand jour, ce que les regards de tous peuvent interroger, lorsqu’ils représentent les travaux de Cimabue et de l’école dont il est le chef comme les témoignages les plus considérables des progrès pittoresques appartenant aux premières années de la renaissance. Ils sont à la fois dans la stricte vérité et dans la justice quand ils ne consentent à attribuer au reste qu’une valeur ou une signification secondaire, et l’on ne peut, en particulier, que souscrire à ce jugement sur l’art siennois dont on a voulu quelquefois exhausser les débuts au niveau, au-dessus même des premières conquêtes de l’art florentin, « Sienne, disent-ils après avoir résumé la vie et les travaux de Guido, Sienne n’a pas le droit de prétendre à une supériorité d’aucun genre dans les arts, tant que dure le XIIIe siècle. Elle dut recourir aux talens de Nicolas et de Jean de Pise pour la principale décoration de sa cathédrale ; sous l’influence de ces deux maîtres et de quelques autres artistes étrangers, l’école (d’architecture et de sculpture) qu’ont honorée Agnolo et Agostino ne prit naissance qu’en 1300. Dans la pratique de la peinture, les Siennois se montrèrent les rivaux des Florentins, mais seulement après l’époque de Cimabue. Duccio, Ugolino, Simone, Lorenzetti, eurent beau acquérir des titres incontestables à l’admiration ; leur influence n’en demeura pas moins toujours au-dessous de l’action exercée par l’école florentine[1]. »

A quoi bon insister au surplus et nous attarder sur un terrain trop continuellement, trop vivement disputé jusqu’ici pour qu’il soit permis d’espérer que d’aucun côté l’on songe à désarmer encore ? Nous voici parvenus à un moment, nous voici en face d’un homme qui ne sauraient ni l’un ni l’autre susciter les dissentimens et laisser place nulle part à la controverse ou au doute. L’heure où Giotto apparaît sur la scène de l’art est, comme celle où Dante parle pour la première fois au monde, une de ces heures d’initiation souveraine dont il suffit d’évoquer le souvenir pour réveiller d’abord chez les plus oublieux la gratitude et incliner les plus indifférens au respect. Fions-nous donc, en prononçant ce grand nom, à l’unanimité des sentimens qu’il inspire. Il ne s’agit plus ici d’opinions en divergence à rapprocher ou d’un ordre de faits interverti à rétablir, il s’agit simplement de rappeler une fois de plus des titres reconnus et acceptés par tous. La tâche, à vrai dire, n’est difficile qu’en raison de la majesté même du sujet, et, si l’on court

  1. History of painting in Italy, t. Ier, p. 185.