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ne rappeler que cet exemple, M. Gaëtano Milanesi recueillait dans son livre, bien connu aujourd’hui, sur l’Art siennois tous les contrats authentiques, tous les actes relatifs aux maîtres que l’ancienne rivale de Florence avait vus naître ou qu’elle avait attirés du dehors. Si louables néanmoins que fussent ces investigations, si utiles qu’en dussent paraître les résultats, le tout n’arrivait encore qu’à augmenter la somme des matériaux dont se composerait l’ensemble d’un monument à la gloire de la peinture italienne. Il restait à coordonner et à mettre en œuvre ces élémens épars, à réunir dans le cadre d’une histoire générale ces épisodes ou ces détails biographiques ; il s’agissait en un mot de combiner tant de conquêtes isolées, tant de découvertes partielles, de manière à présenter les faits dans leur succession chronologique et les progrès des différentes écoles italiennes en regard ou à la suite les uns des autres.

Un écrivain anglais et un écrivain italien, M. Crowe et M. Cavalcaselle, se sont imposé cette tâché. Leur collaboration nous avait valu déjà un livre très instructif sur les Anciens peintres flamands ; en s’associant de nouveau pour écrire l’Histoire de la peinture en Italie, les deux érudits n’ont fait qu’appliquer à un plus vaste sujet, que continuer dans un travail plus important à tous égards la méthode judicieuse et les procédés exacts qui caractérisent leur premier ouvrage. Comme celui-ci, l’Histoire de la peinture en Italie se recommande par la sûreté des informations, par la justesse des aperçus techniques, par une attention scrupuleuse à n’omettre dans le récit aucune indication sur les vicissitudes de l’art, sur l’authenticité des traditions ou des œuvres ; mais ce récit, presque exclusivement à l’adresse des gens qui savent en partie déjà et qui peuvent comprendre à demi-mot, n’est pas exempt au fond d’une sorte de rigorisme didactique et dans la forme d’une certaine aridité. On serait mal venu sans doute, — les auteurs le déclarent eux-mêmes dans leur préface, — à chercher ici cette souplesse de l’imagination et du langage qui ajoute une rare valeur littéraire aux enseignemens fournis par Vasari. On n’y trouvera même pas cette animation, d’ailleurs un peu systématique, avec laquelle Baldinucci, Malvasia, Ridolfi et quelques autres écrivains du XVIIe siècle s’efforcent chacun de soutenir une thèse et de plaider au nom de la vérité historique pour la suprématie pittoresque de Florence, de Bologne ou de Venise. En revanche, l’ouvrage de MM. Crowe et Cavalcaselle a le mérite d’exposer clairement tous les événemens accomplis dans le domaine de l’art italien et d’en faire pressentir la signification relative sans aucun parti pris arbitraire, sans autre préoccupation apparence que le désir de nous donner des notions précises et de ne rien avancer qu’à bon escient. Peut-être l’histoire ainsi traitée