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admirée de l’abbé de Choisy. La dynastie actuelle date de 1782, et le roi que nous allions trouver sur le trône en est le quatrième souverain. La tentative de Phaulkon n’avait été qu’un fait isolé, et, après avoir jeté de 1685 à 1689 le vif éclat que nous avons dit, les relations directes de Siam avec l’Europe étaient redevenues à peu près nulles pendant tout le XVIIIe siècle. Ce ne fut qu’après la paix de 1815 que les vues des nations commerçantes se tournèrent de nouveau de ce côté. Les Anglais essayèrent d’y nouer des relations dès 1822, sans grand succès, de l’aveu du négociateur lui-même, John Crawfurd, et ils n’obtinrent qu’au moyen d’une seconde mission, quatre ans plus tard, une convention insuffisante qui resta presque à l’état de lettre morte. Le gouvernement des États-Unis ne fut pas plus heureux en 1833. Enfin en 1850, une nouvelle et infructueuse tentative, successivement risquée par les Anglais et les Américains, vint clore la série de ces échecs diplomatiques, dus principalement à l’opposition personnelle du roi régnant. Tout changea de face en 1851, à l’avènement du roi actuel, qui, pendant vingt-six ans d’études solitaires dans le cloître où il s’était réfugié, avait compris quels avantages retireraient ses états de rapports suivis avec les nations occidentales. Grâce à son appui, sir John Browring trouva toute facilité en 1855 pour conclure au nom de la Grande-Bretagne un traité de commerce qui ne tarda point à servir de modèle à ceux des autres puissances. On voit aujourd’hui flotter à Bangkok les pavillons consulaires de France, d’Angleterre, de Hollande, de Danemark, de Prusse, de Suède et des villes anséatiques.

La lettre impériale dont nous étions porteurs était un nouveau pas dans la voie d’intimité cordiale ouverte en 1856 par le traité de M. de Montigny, intimité à laquelle l’ambassade siamoise venue en France en 1861, ainsi que la grand’croix de la légion d’honneur envoyée au roi de Siam en 1863, avaient déjà donné une éclatante consécration. Ce n’était pas cependant une petite affaire que de régler le cérémonial qui devait accompagner la remise de cette lettre, et certes, en lisant le curieux document qui énumérait les dispositions à prendre, il n’était pas besoin d’un grand effort d’imagination pour se croire reporté aux beaux jours de l’ambassade de 1685. Trente-neuf barques pavoisées et banderolées, aux rameurs vêtus et coiffés de rouge, devaient venir chercher le cortège au consulat de France. Il était dit lesquelles auraient l’avant en forme de crocodile, lesquelles en forme de serpent, lesquelles en tête de tigre. Une était spécialement affectée au vase d’or renfermant la lettre. La musique devait être formée de quatre harmonicas siamois, de deux clavecins du Laos, une guitare, une conque