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passions ? Il nous en coûte d’être dans l’obligation de constater en finissant que cette fois encore on s’était joué de la confiance du cardinal. Mgr Bernier et Mgr de Pancemont, qui vinrent bientôt après attester au cardinal Caprara le profond repentir des constitutionnels et lui raconter comment, touchés de l’indulgence dont on avait usé envers eux, ces évêques avaient, les larmes aux yeux, avoué et détesté leurs erreurs, furent peu de jours après ouvertement démentis. Loin d’avoir rien fait de semblable, les évêques constitutionnels se vantaient au contraire d’avoir persisté dans leur opinion et d’avoir même déchiré en mille morceaux le projet de lettre qu’on leur avait proposé au nom du saint-père. Entre ces attestations contradictoires émanant de personnes dont le caractère sacré commande également le respect, à qui se fier ? Nous connaissions déjà la fâcheuse réputation laissée en Vendée par l’abbé Bernier ; nous nous rappelions les termes de la lettre par laquelle le général Hoche le dépeignait au directoire comme soupçonné d’aimer avidement l’argent. Sur le compte de Mgr de Pancemont, nous ne savions rien de désavantageux. En pareille matière, il n’y a jamais de pièces tout à fait positives. Ce n’est pas moins avec un douloureux étonnement que, cherchant dans les documens contemporains les moyens de fixer notre conviction, nous avons trouvé dans la correspondance de Napoléon Ier deux lettres qui jettent peut-être un jour inattendu sur la conduite des deux prélats. L’une est une invitation à M. de Talleyrand de donner à l’abbé Bernier une somme de 30,000 fr, sur les fonds secrets, l’autre un ordre au citoyen Portalis de tenir à la disposition de Mgr de Pancemont, évêque de Vannes, mais sans aucune publicité, la somme de 50,000 francs[1].

Ce récit, que nous arrêtons au matin même du jour de Pâques 1802, repose tout entier sur des documens publics irrécusables. Mieux, que les harangues officielles des fonctionnaires de cette époque ou que les allocutions prononcées alors du haut de la chaire, il indique, croyons-nous, le véritable état des relations entre l’église de Rome et le gouvernement français au moment de la publication du concordat. Nous tâcherons d’exposer bientôt avec la même exactitude ce qu’elles étaient en 1804, au moment du sacre de l’empereur par le souverain pontife.


D’HAUSSONVILLE.

  1. Voyez la Correspondance de Napoléon Ier, t. VII, p. 269, et t. VIII, p. 99.