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proposaient les constitutionnels. En cas de refus, le concordat ne sera point publié, et le légat pouvait juger des conséquences[1]. » Rien n’égalait la perplexité du représentant du saint-siège. Il fit venir tous les membres de sa légation. On se consulta en présence de l’évêque d’Orléans. Les opinions étaient partagées. Cependant il fut résolu que le cardinal, quoique bien à regret, devait condescendre à recevoir la lettre qu’on lui avait communiquée au lieu et place de celle qu’il avait proposée, en y mettant toutefois deux considérations : on ferait savoir par la voie de la presse que les constitutionnels nommés avaient satisfait à ce qui était nécessaire et s’étaient réconciliés avec le chef de l’église. De plus, en présence de deux évêques, Mgr de Pancemont, évêque de Vannes, et Mgr Bernier, évêque d’Orléans, les évêques constitutionnels confesseraient explicitement le schisme qu’ils avaient professé et abjureraient leurs erreurs passées[2]. Ainsi s’était terminée par une sorte de transaction in extremis cette dernière conférence, « à laquelle, écrit le cardinal Caprara à Consalvi, je ne puis encore penser sans trembler. Je suis persuadé que sa sainteté en sera affligée et que votre éminence ne sera pas contente de ma conduite ; mais, je l’avoue ingénument, plutôt que de voir se renouveler les malheurs des peuples, j’ai cru en conscience ne pas devoir suivre une conduite différente de celle que j’ai tenue[3]. »

Peut-être y avait-il eu au début quelque imprudence de la part du représentant du saint-siège à ériger lui-même en question de dogme cette affaire de l’institution canonique à donner aux évêques constitutionnels en vertu d’une certaine formule d’abjuration plutôt que d’une autre. La difficulté ainsi posée, peut-être y eut-il aussi un peu de faiblesse de sa part à accepter quelque compromis que ce fût, car c’est le propre de ces matières de ne point comporter de compromis. En tout cas, ceux qui seraient le plus enclins à le blâmer seront, s’ils sont justes, portés à le plaindre encore davantage. Dans de pareilles circonstances, la faute, si faute il y a, nous semble provenir bien plutôt d’une situation fausse que du tort des personnes mises à de si rudes épreuves ; mais que penser de l’homme armé de tant de pouvoir, qui n’a pas hésité à pousser ainsi jusqu’au bout et par tous les moyens ses avantages contre un adversaire si peu défiant et si désarmé ? Que dire surtout de ceux qui dans cette lutte inégale se sont faits ses complaisans instrumens, quand ils ne partageaient point ses idées et n’avaient pas l’excuse de ses

  1. Correspondance du cardinal Caprara, 18 avril 1802.
  2. Ibid.
  3. Ibid.