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importance ; mais, par prudence et par crainte des interprétations malveillantes, tous deux avaient été d’avis de ne pas les mêler aux affaires purement religieuses qu’allait régler le concordat. Le concordat une fois signé, les raisons de s’abstenir ne subsistaient plus. Rien n’avait donc été négligé pour stimuler à cet égard le zèle du cardinal Caprara au moment de son départ de Rome, et lui-même, comprenait bien qu’il ne pouvait donner une preuve plus marquante de son habileté et de son crédit qu’en obtenant de la générosité du gouvernement français une si précieuse restitution.

Les intentions du premier consul à l’égard de ces deux objets des vœux ardens de la cour de Rome étaient d’avance parfaitement arrêtées. Il était décidé à ne tenir nul compte des objections du saint-père contre la nomination des constitutionnels. Il trouvait excessive et mal calculée cette sévérité envers des ecclésiastiques qui peut-être s’étaient trompés en matière de doctrine, mais qui du moins étaient restés courageusement à leur poste, tandis que la plupart de leurs collègues avaient fui le péril à l’étranger. Les dissidences entre les anciens évêques et ceux que, dans le langage du temps, on nommait les intrus lui paraissaient de pures querelles de sacristie, dans lesquelles un gouvernement sensé ne devait pas entrer. D’ailleurs il se croyait de force à mettre la paix là comme ailleurs. Il nommerait donc des constitutionnels en petit nombre, choisis parmi les plus modérés et les plus influens. Il serait même tout à fait imprudent à lui d’agir autrement, car après tout les évêques qui s’intitulaient seuls légitimes avaient été et restaient certainement au fond du cœur les partisans de l’ancienne dynastie. Les constitutionnels seuls avaient toujours été pour la révolution ; c’étaient des gens sur lesquels il pouvait compter et qui seraient entièrement à lui[1].

Au sujet des réclamations territoriales que lui adressait le saint-siège, ses desseins n’étaient pas moins précis. Il était disposé, s’il

  1. Nous n’inventons rien, nous ne faisons que résumer ici ce qui résulte clairement de la correspondance de Napoléon Ier. En effet, tandis que dans ses conversations avec le cardinal Caprara et sans doute pour entretenir les illusions du légat, il témoignait de sa prédilection pour les ecclésiastiques restés en communion avec le saint-siège, le premier consul manifestait dans ses lettres aux préfets des départemens des dispositions tout opposées. Traçant à peu près à cette époque à son oncle le cardinal Fesch la manière dont il doit pratiquer ses devoirs épiscopaux à Lyon, il ne regarde pas à lui écrire : « Vous devez agir avec dextérité, mais réellement placer le plus de constitutionnels possible et bien vous assurer ce parti. Vous ne devez point vous dissimuler que cette question de constitutionnels et de non-constitutionnels, qui est parmi le grand nombre des prêtres une question religieuse, n’est pour les chefs qu’une question politique… Enfin vous me déplairiez infiniment et feriez grand mal à l’état, si vous choquiez les constitutionnels. » Voir aussi les lettres n" 6121, 6122, 6136, 6214 du t. VII de la Correspondance de Napoléon Ier.