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civilisation. Il était suspect pour cela aux orthodoxes inflexibles et farouches, qui le combattirent et lui succédèrent. Ses descendans purent développer dans les loisirs de l’exil et au milieu des exemples de la civilisation persane les goûts élevés qu’il leur avait transmis. Ils suivirent les cours de la fameuse école de Djondi-Sapour, fondée par Chosroès le Grand, et s’initièrent aux secrets des sciences, des arts, de la philosophie. C’est là qu’ils puisèrent la passion de l’étude, et qu’ils apprirent comment il fallait gouverner les peuples. A peine les Abbassides sont-ils montés sur le trône des califes qu’un grand mouvement intellectuel se produit dans toute l’Asie-Mineure.

Al-Mansour, chef de cette dynastie, qui succéda aux Ommiades, était un savant ; il se hâta de fonder des académies à Bagdad, devenue la capitale de son empire. Les tendances vers les mathématiques et la philosophie, qui font partie du caractère arabe, se développèrent rapidement ; les successeurs d’Al-Mansour, y compris Haroun-al-Raschid, le plus célèbre, favorisèrent comme lui les sciences. On comprend que les arts ne restèrent pas en arrière de celles-ci. Ibn-Kaldoun, dans ses Prolégomènes historiques, nous dit que les Arabes aux premiers temps de la conquête, trouvant dans les villes dont ils s’emparèrent des édifices et des palais somptueux, n’eurent pas de longtemps l’idée d’en construire de nouveaux ; mais plus tard, habitués à ces magnificences et ayant contracté des habitudes raffinées, ils se mirent, malgré les défenses de Mahomet et d’Omar, à élever des monumens qui rivalisèrent de beauté avec ceux de leurs prédécesseurs. A partir de ce moment, nous voyons l’art persan, devenu arabe par droit de conquête, s’avancer à la suite des drapeaux triomphans des sectateurs de l’islamisme d’un côté jusqu’aux confins de l’Inde et aux limites de la Chine, de l’autre jusqu’en Espagne, envahissant tous les pays qui séparent le Gange du Guadalquivir. La Perse demeure le foyer d’où tous ces rayons se répandent, la gardienne des traditions pures, la dépositaire des secrets de métier. Quand on veut un architecte pour construire quelque édifice considérable, on va le chercher en Perse. Abdérame, roi de Cordoue, lorsqu’il voulut bâtir l’Alcazar et la mosquée de cette ville, fit venir de Perse un architecte qui y était renommé. Les Persans restaient encore les maîtres comme au temps de Constantin. Dans tout l’Orient, il en est de même : à Constantinople, où Sainte-Sophie étend sa grande ombre byzantine et sert de modèle à toutes les mosquées, on trouvera toujours, sous les sultans actuels comme sous les empereurs de Byzance, dans les kiosques, les fontaines, les cours, les portiques des temples, la main d’un décorateur persan. Le point de la terre où ce style