Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 65.djvu/277

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Pays, et leurs auteurs les expient probablement au fond de quelque prison. De même que ses prédécesseurs, le président tient peu à attirer les étrangers. C’est pourtant de l’extérieur qu’il fait venir les ouvriers employés à l’arsenal et aux manufactures d’armes de l’Assomption, les mécaniciens de ses bateaux à vapeur, les ingénieurs qui dirigent les travaux du chemin de fer. Des médecins et des pharmaciens anglais, appelés pour soigner les soldats et diriger l’hôpital, sont également autorisés à visiter toutes les classes de la population. Enfin quelques jeunes gens du pays ont été envoyés en France et en Angleterre pour étudier les services publics. Les discussions de frontières avec les états voisins, le désir de maintenir la liberté de navigation, ont déjà modifié complètement les rapports internationaux du pays. Le Paraguay, absolument fermé il y a vingt-cinq ans, possède aujourd’hui entre l’Assomption et Buenos-Ayres une ligne de vapeurs dont le service est parfaitement organisé. Il a un commerce d’exportation estimé en 1863 à 8 millions, et il importe pour une somme à peu près égale. Enfin don Solano Lopez a manifesté l’intention de prendre part à l’exposition française de 1867, et il cherche les moyens de faire parvenir à Paris, malgré le blocus du Parana, les échantillons des produits de son pays. Si, laissant de côté la question du système inauguré par le docteur Francia, on se borne à constater ce qu’il a produit, on ne peut qu’être frappé du résultat obtenu. Que l’on songe aux élémens qu’il a fallu mettre en œuvre. La population du Paraguay est aujourd’hui infiniment plus dense que celle des pays voisins. Estimée à 100,000 âmes au commencement de ce siècle, elle serait aujourd’hui, suivant M. Du Graty[1], de 1,450,000 âmes, suivant M. Martin de Moussy, de 350,000 environ, suivant M. le lieutenant de vaisseau Mouchez, de 800,000[2]. Le chiffre de M. Du Graty paraît exagéré. M. Martin de Moussy, dans ses calculs très justes d’ailleurs, semble pourtant n’avoir pas tenu compte de la puissance d’attraction que ce peuple de race indienne doit exercer à mesure qu’il s’organise sur les tribus errantes des territoires environnans. Le gouvernement, laissant une partie du pays encore déserte, a cherché habilement à concentrer la population sur un espace assez restreint. Ainsi, tandis que plus de deux millions d’Indiens errent dans les forêts du Brésil et dans les déserts de la confédération argentine, sans cesse menaçans et refusant de s’assimiler aucun des élémens de la civilisation européenne, les Indiens du Paraguay, devenus sédentaires, cultivent, travaillent et

  1. Histoire du Paraguay, Paris 1862.
  2. Carte du Paraguay, 1862. Dépôts des cartes et plans de la marine.