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recherche de l’or les fleuves Paraguay et Parana, leur premier établissement se fit à l’Assomption ; mais, quand il fut avéré que l’or ne se rencontrait pas dans ces régions, les nouvelles expéditions, sans avancer aussi loin, ne dépassèrent guère Buenos-Ayres ou tout au plus Corrientes. Les familles d’origine européenne demeurées à l’Assomption, presque sans relations avec la mère-patrie, abdiquèrent peu à peu les préjugés de la couleur, et se rapprochèrent des populations indiennes du voisinage. C’était une race de mœurs douces et tranquilles, d’habitudes pacifiques et nonchalantes. En butte aux attaques de tribus plus belliqueuses, elle-même sollicita le secours des Espagnols contre des voisins dangereux. Des rapports intimes s’établirent, et insensiblement il se forma une population métisse où les Espagnols, bien moins nombreux, finirent par se confondre presque entièrement avec les Indiens. D’autres tribus indigènes vinrent probablement se joindre à ce peuple, qui ne leur était plus étranger. La destruction des établissemens des jésuites accrut encore l’élément indien. Les anciens habitans des Missions, fuyant de nouveaux maîtres, furent heureux de s’établir au Paraguay auprès d’hommes de leur race. La population paraguayenne resta donc presque en totalité composée d’Indiens. La langue parlée en fournit la preuve. L’espagnol, réservé pour les actes officiels, cède dans la vie habituelle la place au guarani, qui s’est conservé comme le véritable idiome national. Ce fait établit, ce semble, la prédominance de l’élément indigène. C’est donc, on peut le dire, une partie de la race peuplant autrefois l’Amérique du Sud, qui, par un exemple unique, se constitue en nation au Paraguay. À ce titre, son histoire peut attirer la curiosité, et la guerre actuelle, où elle se trouve de nouveau en face des anciens conquérans, munie cette fois des armes qu’elle leur a empruntées, mérite de fixer l’attention.

Cette population, mélangée à peine de sang espagnol, conserva le caractère et les instincts primitifs : horreur du travail, disposition à l’obéissance, indifférence complète pour les nouveautés politiques ou gouvernementales, dont la portée lui échappait. Aussi, quand arrivèrent les événemens de 1810, les Espagnols, qui se trouvaient en petit nombre à l’Assomption, furent-ils seuls à s’en préoccuper. Réunis en congrès, ils proclamèrent leur indépendance ; mais Buenos-Ayres, prétendant faire du Paraguay une province de la confédération, refusa de la reconnaître. Effrayés de cette menace et sentant le besoin d’organiser les élémens épars de la nation, ils confièrent à l’un d’eux, le docteur Francia, une dictature qui, établie d’abord pour cinq ans, devint ensuite définitive (1816). Francia commença par isoler complètement le pays, en interdit