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cinquante personnes. Cent wagons par conséquent ne porteront que cinq mille hommes, et cinq cents wagons vingt-cinq mille seulement. Pour transporter le double ou le triple, et cette force numérique est bien nécessaire si l’on veut frapper un coup décisif, le lecteur voit d’ici le nombre effrayant de voitures et de machines qu’il faudrait mettre en réquisition.

Les faits actuels au reste parlent assez éloquemment. Que lisait-on dans les journaux avant la guerre ? C’est que tel jour le gouvernement prussien, pour diriger promptement d’une frontière à l’autre un seul corps d’armée, se faisait livrer par les compagnies soixante-six convois à la fois. C’est encore que l’Autriche, pour réunir près de la Silésie son armée du nord, avait consacré au transport des troupes plus de quinze jours. Qu’arrivait-il après la bataille de Kœniggratz ou de Sadowa ? C’est que la marche rapide du prince Frédéric-Charles le portait à Lündenbourg, où il interceptait les voies ferrées qui relient Vienne à Olmutz, avant que l’armée de Benedek, réfugiée dans cette dernière place, eût entièrement effectué par le chemin de fer sa jonction avec l’armée de Vienne. Le transport des corps autrichiens n’avait été ni assez rapide, ni assez simultané pour parer au péril. Que dans une situation plus pressante, et celle-là l’était pourtant au premier chef, on parvienne à faire mieux ou plus vite, nous le voulons bien. Pourra-t-on néanmoins avec le déploiement d’un si nombreux matériel, avec cet inévitable encombrement de la voie, arriver à cette facilité parfaite dans le maniement des troupes, à cette rapidité d’évolution et au secret absolu d’où dépend évidemment la réussite de toute manœuvre hardie et inattendue au fort de la campagne ? Nous ne le pensons pas.

Le problème revient donc à trouver une disposition, un format de voiture qui permette, à nombre égal et sans cependant que le volume des nouveaux wagons ait rien d’excessif, de transporter une quantité de voyageurs bien supérieure au chiffre ordinaire. Problème d’un ordre secondaire ! Supprimer les compartimens, établir dans tous les sens, en long et en large, des bancs commodes ; élargir la voiture autant que s’y prête l’écartement des voies, l’allonger, la faire aussi basse que possible pour la surmonter de l’impériale qui garnit les trains de notre banlieue, de telle sorte que, l’intérieur contenant quatre-vingts ou quatre-vingt-dix soldats, l’étage supérieur soit capable d’en contenir soixante ou soixante-dix ; arranger le dessous des banquettes de manière que, pendant le voyage, tous les soldats aient tour à tour la facilité d’y dormir ou de s’y reposer un instant ; au besoin, si la chaleur dégagée par la réunion de tant de monde dans un si étroit espace présente de sérieux inconvéniens, construire à claire-voie une partie de la clôture inférieure du wagon ; disposer enfin aux plafonds des râteliers mobiles où l’on puisse placer et reprendre facilement les fusils et autres armes, sont-ce là des modifications difficiles à réaliser ?

Dès qu’une voiture, sans être démesurément lourde ou grande,