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chef pour être transmis aux généraux placés sous ses ordres. Sans doute on ne peut tout prévoir par la pensée ni tout dire sur le papier ; sur les lieux et suivant les circonstances, on prend les dispositions les plus habiles, et on avise aux éventualités probables. Cependant nous pensons que les explications où nous sommes entré suffisent pour qu’on ne refuse pas de croire possible et prochaine l’application de la télégraphie électrique à la conduite des opérations militaires.

De là à l’emploi de l’électricité sur les champs de bataille, il n’y a qu’un pas. Dans des engagemens secondaires, des combats partiels, l’adoption en serait inutile, puérile ; mais dans les batailles, comme on en livre aujourd’hui, pour cet échange d’ordres, de contre-ordres, de dépêches et d’instructions, qui est à la mêlée ce que la pensée est à l’action, le plus rapide des systèmes de communication s’imposera, comme il s’est imposé dans les grandes villes pour la transmission des correspondances pressées. Le chiffre des forces que les belligérans arrivent à mettre en présence suit une proportion effrayante ; le théâtre des rencontres générales de tant de milliers d’hommes s’agrandit dans la même mesure. A Sadowa, les deux armées ennemies présentaient un front de près de six lieues d’étendue. Dans de pareilles conditions et après tout ce que nous avons dit, il serait superflu d’insister sur la possibilité et sur l’avantage pour tout général en chef d’être en relation permanente et directe même avec les plus extrêmes parties de son armée. Il est permis de supposer par exemple qu’à Custozza, si les trois corps de l’armée italienne avaient correspondu mutuellement par voie télégraphique, les deuxième et troisième, les plus éloignés du champ de bataille, auraient pu, informés plus tôt de l’attaque et du mouvement des Autrichiens, réparer plus promptement cette dispersion de forces, cause principale de l’échec, et arriver assez vite au secours de Durando, pour modifier l’issue du combat.

Unité absolue dans le commandement, homogénéité dans l’action, ensemble parfait dans les mouvemens, voilà des résultats que la guerre contemporaine, ce semble, avec les énormes multitudes qu’elle fait entrer en jeu, rend plus que jamais difficiles à atteindre ; voilà les élémens de succès qu’une application hardie et intelligente de la télégraphie électrique peut en grande partie assurer aux belligérans qui, les premiers, l’accompliront. De toute manière, il n’est pas contestable que cette innovation doive contribuer singulièrement à diminuer la part du hasard dans le choc souvent désordonné et confus des masses armées.


II

Après la rapidité imprimée aux communications militaires vient la rapidité imprimée aux mouvemens des troupes ; après la télégraphie électrique les chemins de fer, et leur rôle dans la guerre. Du jour où les chemins de fer ont été créés, il n’a été douteux pour personne que les conditions de la guerre continentale étaient changées dans une certaine mesure.