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celle du prince royal de la même manière qu’elle communiquait déjà avec Berlin, on peut croire que cette liaison de mouvemens combinés eût été assurée contre toute éventualité fâcheuse. Qu’on parvienne en effet à relier par une ligne télégraphique les différens quartiers-généraux ou les états-majors des corps d’armée en campagne, il est clair que les communications militaires changent aussitôt de nature : elles demandaient du temps, elles deviennent presque instantanées ; elles étaient intermittentes, elles peuvent être continues ; elles étaient soumises à de nombreuses chances d’accident, elles deviennent sûres, à peu près inattaquables, si le fil remplit les conditions d’invisibilité requises.

Cette application et plus directe et plus étendue de la télégraphie électrique à l’art de la guerre est-elle possible ? Sans nul doute : ce n’est que la conséquence immédiate de l’essai tenté par les Prussiens. On se demande même, étant donnée leur télégraphie de campagne, pourquoi il n’aurait pas été aussi facile et aussi avantageux au prince Frédéric-Charles de s’en servir pour correspondre avec le général Herwarth pu l’aile droite, et, la jonction opérée à Gitschin, avec le prince royal ou l’aile gauche, que de la consacrer exclusivement à ses communications avec Berlin. Le matériel sans doute et une organisation indispensable faisaient défaut. Ce sera effectivement la grande difficulté et le mérite d’une bonne installation, que de se combiner avec l’active mobilité des troupes. On n’y arriverait pas si, par suite de l’extension donnée au service télégraphique de campagne, on ne créait, comme on a créé les compagnies des pontonniers et du génie, des compagnies spéciales, dont la mission consistera à relier continuellement dans le cours de la guerre, par une ligne télégraphique, les différens états-majors des corps qui opèrent loin les uns des autres mission très laborieuse, si on songe que, les hostilités à peine ouvertes, les troupes sont presque toujours en mouvement, d’abord pour marcher à l’ennemi, — victorieuses, pour continuer leur marche en avant, — vaincues, pour chercher une nouvelle base d’opération ou de résistance. La formation d’un corps de télégraphistes demandera donc une organisation aussi régulière, une discipline et une instruction aussi sérieuses, des exercices aussi répétés que les autres corps spéciaux, génie ou artillerie.

Quant à la manière dont s’effectuera l’installation si rapide de lignes télégraphiques purement temporaires, il serait difficile de le déterminer d’avance avec exactitude. Il est évident par le fait seul de la constante mobilité des troupes, que le fil télégraphique ne pourra pas s’établir en droite ligne d’une aile à l’autre de l’armée d’opération, en passant par le centre. Un bureau central, qui ne se déplacera que de loin en loin, et des bureaux secondaires, qui suivront les troupes, dans toutes leurs évolutions, tel nous paraît être le système le plus pratique. Du bureau central partira chaque fil que chaque corps d’armée déroulera à sa suite. Par ce poste intermédiaire passeront les rapports des différens généraux pour être transmis au commandant en chef, et les ordres du commandant en