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d’abord surhaussé au-delà du demi-cercle comme à Saint-Marc ou à Sainte-Sophie ; puis le fer à cheval cissoïde, l’arc persan composé de lignes droites, l’ogive, les arcs dentelés s’unirent pour donner le charme et la variété au grand art de l’architecture. De même les voûtes et les coupoles s’allongent et se renflent, comme on le voit encore aux dômes de Venise et de Padoue, et surtout à ceux de l’Égypte, de la Perse, de l’Inde et de la Russie. En un mot, toutes les courbes furent admises, essayées, appliquées. A Constantinople, elles obtinrent aussi une grande faveur ; mais la surélévation de ces arcs les rendant moins solides que ceux des coupoles byzantines, plus aplaties, ils disparurent dans les tremblemens de terre, jadis si fréquens. On en revint promptement aux formes qui avaient été adoptées pour Sainte-Sophie. Les Turcs ont imité cet exemple. Stamboul est restée fidèle au style byzantin dans la forme générale des monumens ; elle n’a pas suivi les progrès du style persan ou arabe du moyen âge. Sainte-Sophie parut le dernier effort de la science, et devant ce modèle on ne songea plus qu’à imiter. Les mosquées, qui sont les seules constructions d’une réelle importance à Constantinople, tout en acceptant les modifications imposées par le culte, minarets, fontaines d’ablution, orientation vers La Mecque, enceintes fermées d’arcades en souvenir de la cour sacrée de la Kaaba, sont construites en réalité sur le plan de Sainte-Sophie et conçues d’après les mêmes données. Cette architecture se prête également bien aux deux religions, qui ont plus d’analogie qu’on ne le pense. Nous avons eu souvent occasion de le remarquer, les églises byzantines ou gothiques et les mosquées arabes peuvent changer de culte sans cesser de s’harmoniser avec les croyances des fidèles qu’elles abritent. A part le mobilier, les mosquées du Caire, de Damas ou d’Ispahan sont chrétiennes par la forme et par le caractère.


II

La plupart des écrivains, frappés de la décadence de ce vieil empire romain, qui, loin de se rajeunir en se transportant sur les splendides rivages du Bosphore, ne fit qu’y placer son tombeau, hâtant encore sa fin par le luxe et les désordres de toute espèce, ne voient plus dans les arts comme dans les mœurs que décadence et dépravation du goût. Ils ne comprennent pas la renaissance imposante, l’idée nouvelle qui apparaît brillante au milieu de ces ruines. « L’art architectural, a-t-on dit, disparaît sous une prodigalité confuse d’ornemens capricieux, et la mosaïque, préférée à la peinture à l’encaustique, amène la ruine de la peinture et une