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subsister aucune dissidence sur la distinction essentielle entre l’émission et les opérations de banque, qu’elle se traduise comme en Angleterre dans la constitution de deux départemens distincts, ou qu’elle dépende d’un calcul prévoyant, comme celui qui préside à la direction des affaires de la Banque de France ; la forme diffère seule, le fond reste le même. « Nous pensons, disait avec raison sir Robert Peel, que le droit d’émission doit être soumis au contrôle de l’état, tandis que la plus parfaite latitude doit régner dans les opérations de banque. » Cette latitude, il la voulait pour toutes les banques publiques ou privées ; elle existe aujourd’hui pleine et entière dans le royaume-uni et donne les plus heureux résultats.

Quant au droit d’émission, sir Robert Peel ne désirait pas le retirer brusquement aux banques qui en usaient : il voulait une réforme féconde et non une révolution ; mais il espérait que ce droit s’étendrait successivement, en se concentrant par voie d’héritage entre les mains de la Banque d’Angleterre. Son calcul a été trompé en partie. Environ 300 banques se divisaient en 1844 une émission de billets d’une valeur de 200 millions de francs ; il n’en a disparu qu’un peu plus du tiers. Au mois de juin dernier, on en comptait encore 190, avec une circulation autorisée de plus de 7,200,000 liv. (180 millions de fr.) et une circulation réelle réduite à 4,687,913 livres seulement (environ 117 millions). L’act de 1844 défend à ces banques de fusionner, il leur interdit d’établir un bureau à Londres. M. Gladstone pensa qu’au lieu de calculer sur la faiblesse incurable et la chute successive de ces établissemens, il valait mieux s’y prendre d’une autre manière pour arriver plus vite à réaliser le desideratum suprême de sir Robert Peel, l’unité d’émission, heureusement conquise par la Banque de France en 1848. Il introduisit l’an dernier à la chambre des communes un bill pour lever les diverses restrictions imposées par l’act de 1844, autres que la limitation du droit d’émission, sauf à fixer un terme rapproché où l’exercice de ce droit devrait cesser après une simple notification de la part du gouvernement. Telle est la modification de l’act de 1844 que, par suite d’une singulière méprise, M. Horn a signalée comme une brèche faite au principe, tandis que M. Gladstone essayait d’en hâter la pleine application. En s’appuyant sur l’expérience, il avait calculé que l’extinction totale du droit d’émission n’arriverait que dans deux cent cinquante ans, peut-être même dans quatre siècles. Or, comme il ne voulait pas attendre indéfiniment, il préférait hâter un arrangement temporaire qui, en donnant pleine liberté aux banques actuelles d’émission pour les opérations de banque, limiterait l’exercice de la faculté de fabriquer des billets payables au porteur et à vue.

Le projet fut énergiquement combattu par un financier habile,