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D’où vient la puissance développée par la Banque d’Angleterre pendant la dernière crise ? De la force que lui donne l’act de 1844 ; il ne se borne pas à permettre la conversion facultative du billet en or, il l’assure. On soutiendra vainement qu’on ne saurait émettre plus de billets que la circulation n’en comporte, en comparant celle-ci à une éponge qui une fois saturée d’eau n’en absorbe plus ; la question est ailleurs, elle est dans la proportion maintenue entre le métal et le billet. Du moment où la proportion grandit du côté du papier, la situation s’altère, car l’ensemble des instrumens d’échange ne varie guère, le métal précieux est déplacé par le billet, voilà tout. Alors que la sécurité générale est entière, que tout prospère, que la confiance enfle les voiles du commerce et de l’industrie, on accepte les billets de banque comme de l’or ; mais pour peu que le plus léger embarras se produise, on vient échanger la monnaie de papier contre les espèces. Si le pays s’est trop dépouillé de celles-ci, la crise éclate. Personne ne saurait contester que les banques gagnent à étendre une circulation qui ne leur coûte presque rien, qui constitue en réalité un emprunt à titre gratuit prélevé sur le public ; elles sont naturellement disposées à se montrer plus faciles pour les prêts et pour les escomptes tant qu’elles réussissent à placer des billets. Les emprunteurs et les commerçans usent et abusent de cette facilité pour entreprendre au-delà de leurs ressources : ils acceptent sans peine la monnaie de papier qu’on leur offre ; des deux côtés un entraînement bien simple conduit à outrer les émissions et à provoquer l’over-trade, les spéculations excessives. A qui reviennent en définitive les billets ? A ceux qui travaillent, à ceux qui sont étrangers aux opérations aventurées, à ceux qui vendent au détail, à ceux en un mot qui sont le moins en état de supporter une perte, et qui n’ont tiré aucun avantage de la substitution d’une monnaie fictive à une monnaie solide. L’intérêt de tous ceux qui reçoivent les billets en paiement n’est p&s qu’il y en ait beaucoup, mais qu’ils soient d’une valeur stable, assurée. C’est cet intérêt général que l’act de 1844 prend sous sa sauvegarde.

Beaucoup de banques ont fait faillite en Écosse, en Angleterre, en Amérique ; la Banque d’Angleterre n’a rien fait perdre à personne depuis vingt ans ; elle est venue au contraire plusieurs fois au secours des banques provinciales et des banques d’Écosse. M. Léonce de Lavergne, bien qu’il soit partisan d’une émission confiée simultanément à plusieurs grandes banques de monopole, a rendu cette justice à l’œuvre de sir Robert Peel. Il ajoute : « Le plus grand éloge qu’on puisse faire d’un établissement de crédit, c’est qu’il lui suffise d’augmenter ses émissions pour calmer les crises. C’est