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la liberté d’émission, qu’il était loin de confondre avec la liberté de l’industrie. Sa déposition de 1840 contient une ferme adhésion au principe qui a plus tard dicté l’act de 1844, et dont Cobden est demeuré le défenseur convaincu. Il l’a bien prouvé alors que, siégeant dans le comité de la chambre des communes réuni pour statuer sur la question de savoir s’il n’y avait point lieu de modifier l’œuvre de sir Robert Peel, il a constamment répondu aux trois questions posées à ce sujet : Non, non, non. En prenant cette attitude, Cobden était parfaitement fidèle à l’idée qui a fait sa gloire, au free-trade. La liberté commerciale vit de réalité, elle repousse la fiction ; elle ne saurait s’accommoder de la doctrine relâchée d’une monnaie élastique. Cobden, dans ce langage à la fois familier, clair et pittoresque dont il avait le secret, disait : « La circulation doit se régler elle-même, elle doit être réglée par le commerce et le trafic du monde entier. Je ne voudrais pas laisser à la Banque d’Angleterre, non plus qu’aux autres banques, ce qu’on appelle l’administration de la circulation… Si nous devons avoir de la monnaie de papier, ce que j’admets avec peine, il faut que ce papier soit limité au chiffre représenté par les métaux précieux, s’ils circulaient seuls… Le chiffre devrait en être réglé par conséquent de manière à laisser circuler une quantité de métaux précieux suffisante pour permettre aux opérations de change sur les métaux précieux de se faire tranquillement. Le chiffre maximum de la monnaie de papier devrait être fixé. La totalité de la circulation devrait varier précisément comme si elle était entièrement composée d’or et d’argent, et que les échanges dussent se faire avec des lingots et des espèces. »

Questionné sur la division de la Banque d’Angleterre en deux départemens, l’un chargé d’administrer la circulation et l’autre chargé des opérations de banque ordinaires, sans droit d’émission, Cobden reconnut que ce plan, proposé par M. Loyd (aujourd’hui lord Overstone), avait de grands avantages ; mais, plus rigoriste encore que le célèbre fondateur de l’école métallique, il se refusait à admettre les expressions « administrer la circulation, régler la circulation. » — « A mon avis, dit-il, c’est comme si l’on voulait administrer et régler le temps, les étoiles et les vents. Je n’ai pas encore vu de projet qui enlève entièrement à une corporation le pouvoir d’augmenter ou de diminuer la quantité de monnaie ; or ce pouvoir est aussi intolérable que celui qu’aurait une corporation de régler la longueur de l’aune… Des marchands pouvant modifier à leur gré le montant de la circulation, cela n’est pas plus raisonnable que le privilège donné aux marchands de vendre à l’aune raccourcie et d’acheter à l’aune allongée. — Je suis opposé à ce que des marchands aient le pouvoir d’augmenter ou de