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vous ne pouvez point obtenir de drap en quantité suffisante, vous servir de quelque chose qui ressemble à du drap. » Il s’est empressé de déclarer au nom du gouvernement qu’il ne croyait pas possible, et, cela fût-il possible, qu’il ne croyait pas désirable, quand on a fait usage de la monnaie existante et du capital disponible, d’avoir recours à la création d’un capital fictif. Ces paroles sont de bon augure pour la solution définitive de la question. L’Angleterre n’est point exposée à répéter le vieux refrain du dissipateur :

Quand nous avons perdu notre or et notre argent,
Le papier nous parait d’un secours excellent[1].

L’act de 1844, dont nous avons déjà exposé le mécanisme[2], donne la formule la plus nette de l’école métallique. Il fixe d’une manière précise la limite de l’émission des billets pour toute l’Angleterre, en tant que ces billets ne sont pas couverts par un dépôt équivalent en or[3]. C’est contre lui que se dirigent les batteries des partisans d’une circulation plus élastique. On l’accuse d’avoir amené le désastre en empêchant une expansion de billets ; il n’a point permis à l’Angleterre de couper un habit conforme à sa taille dans le riche tissu du crédit ! Il est devenu le delenda Carthago des novateurs des deux côtés du détroit ; mais aussi quelle force nouvelle le principe de sir Robert Peel ne doit-il point puiser dans l’adhésion presque unanime qui vient de le consacrer lors d’un débat récent et remarquable de la chambre des communes ! Il ne faut pas s’y tromper, les demandes de réforme ne portent que sur des points secondaires, notamment sur une question d’ordonnance extérieure plutôt que de système, la séparation des deux départemens d’émission et de banque. Quant au principe fondamental, qui consiste à faire dériver la création des billets du pouvoir public au lieu d’y voir line fonction de banque, il obtient une adhésion à peu près unanime. Loin d’être menacé de disparaître, il grandit dans les convictions. — Quand on parle des adversaires de l’act de 1844, il faudrait commencer par distinguer entre eux, car en y voyant simplement des auxiliaires de la liberté d’émission on risque de commettre la plus étrange méprise. L’Angleterre n’a pas besoin de conquérir la liberté des banques, elle la possède, pour tout ce qui est office de banque, grâce à l’esprit libéral de l’act de 1844. Sir. Robert Peel l’avait dit : « il ne saurait y avoir une concurrence trop libre et trop illimitée dans l’industrie de la banque, le principe de

  1. When gold and silver are gone and spent,
    There are bank-notes more excellent.
  2. Voyez la livraison du 15 août 1866.
  3. Un act analogue, rendu en 1845, applique le même principe a l’Ecosse et à l’Irlande.