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pointu se dresse au-dessus de cette fleur, au milieu des feuilles qu’il domine : c’est l’excroissance ou, à vrai dire, le bourgeon connu sous le nom de chou-palmiste, et dont les feuilles tendres, serrées, servent à faire une salade fraîche jet sucrée. Le palmier est vraiment le roi de la végétation tropicale et le plus noble de tous les arbres connus. Il pousse lentement et n’atteint jamais les proportions colossales des chênes ou des érables du nord ; mais sa forme est si exquise, si parfaite, son port si élégant et si simple, qu’il se distingue au milieu d’eux comme l’Apollon du Belvédère au milieu d’un peuple de monstres. Toutes les parties du palmier ont leur usage : les palmes sèches servent aux toits des maisons, les troncs creusés aux tuyaux des sucreries, la figue à la nourriture de tous les animaux vivans, le chou à celle des herbivores, et le cœur enfin, mou et sucré, fait les délices du cheval. Rien ne se perd de sa substance, comme rien n’est imparfait dans sa forme. Il faut s’être promené dans les allées et les bois de palmiers sans fin des campagnes tropicales, pour comprendre l’espèce d’amour qu’inspire cet arbre merveilleux.

À côté se dresse ou plutôt se ploie le cocotier à tige longue, fugueuse et grêle, toujours courbé vers la terre, et portant comme avec peine sa touffe de longues feuilles flexibles, semblables de loin à celles du palmier, mais plus molles, plus échevelées et trop lourdes pour l’arbre débile. Une grappe de noix vertes grosses comme la tête d’un homme s’attache aux tiges des feuilles et semble ajouter au poids de cette tête penchée. Le cocotier plie et s’agite au moindre souffle, le vent le tourmente comme un roseau, tandis que le palmier laisse ondoyer légèrement ses branches gracieuses sur sa tête droite et haute.

Descendons aux peuplades plus humbles de la végétation de ces climats. Voici le bananier bien connu avec son étui brun et ses feuilles lisses déroulées, voici l’ananas avec sa verdure grise et hérissée de pointes, — le cotonnier, arbuste grêle et clairsemé de feuilles, entr’ouvrant ses petits cocons de duvet blanc, — le caféier avec sa tige droite, sa petite touffe frêle, ses feuillettes d’un vert sombre, ses fleurettes embaumées et ses graines rouges, — la canne à sucre, ce roseau noueux et un peu cornu, aux gaines jaunâtres, et tant d’autres inconnus dont le souvenir m’échappe. Il y a aussi des oiseaux-mouches voletant dans une cage dorée, des poissons roses et bleus dans une eau pure, enfin un jardinier nègre, accroupi dans une plate-blande, dont la peau s’harmonise merveilleusement avec la forte verdure et les fleurs écarlates des plantes tropicales. — Vite en voiture avant que le soleil ne s’efface à l’horizon, pour aller contempler la vallée, la ville et la mer du sommet