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en bois, si gracieux qu’en puisse être le décor, n’atteint jamais les proportions de l’art. Où donc trouver la vraie source, le peuple architecte par excellence ? D’où est venu cet art nouveau qui nous surprend par sa science de statique, d’équilibre, sa hardiesse et sa grandeur ? N’apercevez-vous pas dans les brumes du passé cette tour gigantesque dont les spirales hardies cherchent à escalader le ciel ? L’orgueil essaie déjà ce que la foi doit exécuter plus tard ; mais le germe apparaît sur cette terre de la grande architecture, c’est là qu’il faut chercher la première incubation des merveilles qu’on a bien à tort regardées comme jaillissant tout à coup de notre sol, alors inculte, car il faut une longue suite de siècles et de puissantes traditions pour les engendrer. Rien ne sort de rien, et dans l’étude du moyen âge universel, c’est-à-dire de cette époque préparée par l’école d’Alexandrie et dont le Christ résume en lui la rénovation générale, il s’agit de chercher les causes qui ont amené dans l’art une si heureuse révolution. Il s’agit de réveiller ces germes vigoureux dont l’élan fut arrêté par cette renaissance italienne éprise du réalisme grec, et qui se perdit si vite dans des sentiers qui ne mènent à rien. Cherchons donc ces lois premières, non pour refaire des copies maladroites, mais pour trouver les fruits que promettaient les fleurs. Visitons cet Orient d’où se sont répandus sur le monde tous les principes féconds ; étudions ces contrées de la lumière où les lois naturelles n’ont jamais été faussées par des civilisations d’emprunt, et sans doute nous retrouverons les secrets qui doivent constituer l’art nouveau.

L’époque dont nous allons parler est bien peu connue, n’a jamais été sérieusement étudiée et tient cependant une grande place dans l’histoire de l’art. Ce n’est pas que des savans, des artistes en grand nombre n’aient visité l’Orient ; mais ces derniers pour la plupart n’ont fait qu’y passer, observant uniquement au point de vue pittoresque cette nature merveilleuse ; les autres y étudiaient les langues et l’histoire dans les antiques monumens de l’Égypte, de l’Assyrie et surtout de la Grèce ; bien peu se sont adonnés d’une manière suivie à l’étude de l’art oriental moderne. Il faut d’abord expliquer ce que nous entendons par ce mot « art oriental moderne. » Tout se transmet et s’enchaîne si bien dans les civilisations de l’Orient, tout a gardé sur cette terre un type originaire si fortement empreint, le caractère primitif de la grande époque antique, que sans doute la division entre l’ancien Orient et le nouveau est un peu arbitraire, surtout si, au lieu de limiter son horizon, on envisage l’ensemble de ces contrées. Que sans sortir de l’Égypte on cherche la ligne de démarcation entre l’art égyptien et l’art arabe, on la trouvera sans difficulté ; mais si, parcourant l’Égypte, l’Assyrie, la Phénicie, la