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obscures, jusqu’en 1859, et devenus à peu près impossibles à dater du jour où l’unité italienne est sortie tout armée d’une guerre d’indépendance avec sa force d’aimantation nationale, en créant en Europe une situation toute nouvelle.

Si la souveraineté de l’Autriche, sans être sérieusement et activement contestée, avait déjà de la peine à vivre, à se soutenir, à prendre un caractère durable dans le Vénitien avant la révolution de 1848, les conditions dans lesquelles elle se raffermissait après quinze mois de guerre étaient, il faut en convenir, singulièrement aggravées. C’était peut-être pour elle une fatalité de maintenir par la force ce qu’elle avait conquis par la force, de chercher sa défense dans la compression, dans un redoublement d’absolutisme et de rigueurs. Je ne sais en vérité ce que l’Autriche aurait pu faire pour une population qui n’attendait d’elle ni réformes, ni adoucissement de régime, qui n’a jamais cru à toutes ces promesses libérales bonnes pour illustrer des manifestes à l’adresse de l’Europe, qui ne demandait à la domination étrangère que de s’en aller. Ce qui est certain, c’est que l’Autriche, rentrée à Venise, n’essayait rien, ne faisait rien, ou du moins elle ne faisait que ce qu’il fallait pour s’assurer matériellement sa conquête, sans se préoccuper d’alléger le poids de sa victoire, pour recueillir les bénéfices de la restauration de son pouvoir en soumettant ces provinces à tout un système d’occupation, de représailles, de prélèvemens et d’extorsions. La capitulation accordée ou infligée par l’Autriche à Venise le 24 août 1849 n’avait certes rien de prodigieusement généreux ; telle qu’elle était cependant, elle semblait garantir contre certains excès de rigueur ; elle assurait une amnistie qu’on pouvait croire efficace par cela même qu’on prenait soin d’excepter nominativement ceux qu’on voulait atteindre, ceux qui avaient eu un rôle, Manin, Tommaseo, Avesani, Mengaldo, Varé, Pincherle, Morosini, etc. ; elle laissait la liberté d’émigrer, elle épargnait à Venise les frais de guerre et respectait les propriétés. Malheureusement les persécutions recommençaient le lendemain, et trois ans après les biens de tous les émigrés, forcés ou volontaires, étaient frappés de séquestre sous le prétexte élastique d’une complicité de ces émigrés dans une échauffourée de Mazzini à Milan, lorsque pas un seul de ces émigrés peut-être ne connaissait d’avance cette tentative. Venise avait singulièrement souffert depuis quelques années dans tous ses intérêts matériels et économiques ; elle ne retombait pas moins après sa défaite sous le poids accablant de charges incessamment accrues. Dans un espace de quelques années, en contributions extraordinaires, taxes supplémentaires, frais de guerre déguisés, participation forcée à des emprunts de l’empire, la Vénétie seule payait plus de