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tenu une réponse sentie de M. Johnson. Les têtes pensantes des États-Unis peuvent accepter sans hésitation les assurances de lord Stanley, car la pensée y sort simplement de la nature même des choses, et n’y subit l’altération d’aucune chaleur factice, d’aucune grimace oratoire, d’aucun grossissement de porte-voix.

Ainsi que nous le pressentions, la victoire dans la lutte électorale se prononce aux États-Unis en faveur du parti radical ; l’opinion publique donne donc raison a la majorité du congrès contre le président. Les élections fortifieront même cette majorité. Le nord et l’ouest des États-Unis demeurent ainsi fidèles, avec une rare fermeté politique, aux principes et aux intérêts qu’ils ont soutenus et fait triompher dans la guerre civile. Le parti radical et le peuple américain donnent là un exemple de consistance politique dont beaucoup de gens doutaient que les houleuses démocraties fussent capables. Cette démonstration rendra un nouveau service à la cause de la république démocratique dans le monde. Au fait, la politique du président Johnson, malgré son apparence généreuse, tendait à renouveler aux États-Unis la situation fausse d’où la guerre civile était sortie. La cause de cette situation fausse était le privilège accordé aux états du sud d’avoir un nombre de représentans fédéraux proportionné au chiffre total de leur population, dans lequel les nègres étaient compris. Les nègres comptaient donc comme des citoyens pour les états du sud lorsqu’il s’agissait de fixer le nombre proportionnel des représentans, mais ils ne votaient pas, puisqu’ils étaient esclaves. Fallait-il admettre les états rebelles dans l’Union aux mêmes conditions, en les laissant profiter, pour le nombre de leurs représentans, du chiffre de la population nègre, qui, quoique affranchie, pourrait rester privée du droit de vote ? Si le système de M. Johnson eût triomphé, les gentilshommes blancs du sud auraient eu, comme dans le passé, un nombre de représentans plus considérable que celui auquel leur nombre vrai leur devait donner droit. Les démocrates du nord, coalisés avec la représentation falsifiée du sud, auraient pu reprendre la majorité et la prépondérance dans le gouvernement central. Les résultats de la guerre eussent été compromis. La solution voulue par le parti radical et la majorité du pays est plus conforme à la vérité. Elle admet au congrès les représentans des états du sud en nombre proportionné au chiffre des électeurs. La question du suffrage des nègres est laissée ainsi à la souveraineté des états. Les états du sud qui voudront avoir le même nombre de représentans qu’autrefois seront obligés d’accorder le droit électoral aux nègres. Ceux qui ne pourront se résigner à vaincre leurs préjugés se priveront eux-mêmes d’influence au congrès. La situation ne sera plus faussée, et la démocratie républicaine du nord ne courra plus le danger d’être subjuguée par une majorité aristocratique artificielle. e. forcade.