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siste dans cette résolution héroïque, et qu’il ne cède point au dernier des mauvais sorts qui ont marqué chaque phase de cette affaire mexicaine. Ce qui nous inquiète, nous, c’est le retour de nos soldats. Quant aux difficultés que nous laisserons après nous au Mexique, nous n’avons point d’effort à faire pour les prévoir. Trouverons-nous quelqu’un avec qui traiter ? C’est, hélas ! une grande cruauté et une grande imprudence à un belligérant que de refuser de négocier avec un gouvernement de fait contre lequel il a pris les armes. Cette cruelle erreur, nous l’avons commise en refusant de traiter avec Juarès et en épousant les haines des émigrés que nous traînions après nous. Nous l’expions aujourd’hui. Nous sommes restés au Mexique assez longtemps pour apprendre que Juarès était encore le plus honnête des chefs de parti de ce malheureux pays. Quel est celui des dissidens avec lequel il sera possible d’entrer en arrangement ? Personne, nous le craignons, n’est en état de le dire. Il n’y a que le gouvernement de Washington qui pourrait nous prêter de bons offices dans la circonstance et nous être un intermédiaire utile. Le président des États-Unis reconnaît encore le ministre de Juarès ; M. Romero l’accompagnait récemment dans sa tournée électorale ; M. Johnson et M. Seward doivent avoir quelque influence sur les dissidens mexicains. S’ils usaient amicalement pour nous de cette influence dans le moment présent, ils nous rendraient un grand service. Il serait très spirituel à M. Seward de nous montrer cette obligeance. Les Américains ont trop admirablement triomphé de leurs difficultés pour nous avoir gardé rancune. L’humanité, le bon sens, la bonne humeur, les invitent à être généreux. Il nous en coûte moins, on le comprendra, de donner des conseils au gouvernement de Washington qu’au nôtre.

Tandis que la politique est morose, la statistique nous apporte de solides consolations. L’administration vient de publier les états du commerce français pour les huit premiers mois de l’année. Ces chiffres sont parlans, et ils parlent une langue triomphante. On ne saurait trop s’empresser d’en divulguer la signification salutaire. C’est le bulletin heureux de la florissante santé économique de la France, c’est le témoignage retentissant des progrès du travail français. Pendant les huit premiers mois de cette année, nos importations se sont élevées à plus de 1,958 millions ; elles ne montaient, pour la même période de 1861, qu’à 1,580 millions. Le progrès en six années est donc de 378 millions. L’importation des matières premières et des produits nécessaires à l’industrie s’est accrue, sur la même période de l’année 1865, de 235 millions. Le mouvement de l’exportation n’a pas été moins remarquable ; il s’est élevé à 2,206 millions, présentant une augmentation de près d’un milliard sur le résultat similaire de 1861, et de 318 millions sur le résultat de 1865. Ainsi voilà une année durant laquelle le crédit a été ébranlé gravement en Angleterre, où les capitaux représentés par les valeurs de bourse ont éprouvé de violentes dépréciations, où la guerre a