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la mosquée est encastrée une turquoise énorme trouvée sous le règne du fondateur dans les mines de Nichapour en Khoraçan. Cette pierre de la victoire (Firouz-tasch), qui aux yeux de ce peuple possède des vertus magiques, a plus d’un pied de long. La cour est remplie de jasmins et de fleurs et peuplée d’étudians qui viennent, sous ces beaux ombrages, chercher le calme nécessaire à l’étude.

Citons aussi la description que nous donne Murphy du palais qu’Annazir Abdérame avait fait construire l’an 940 de notre ère. Élevé au centre de la ville de Zahra, au pied de la Sierra-Morena, cet alkazar avec ses jardins merveilleux, arrosés par les eaux du Guadalquivir, a été célébré dans les poésies du temps. Cinq mille colonnes de porphyres et de marbres rares décoraient les salles, pavées de mosaïques précieuses, dont les savantes combinaisons et les couleurs étaient si bien disposées qu’on eût dit un tapis. De splendides faïences entremêlées de lapis et de jaspe sanguins décoraient les frises et les lambris. Une des salles, dite du calife, avait au centre un bassin de jaspe sur lequel un cygne d’or aux ailes de pierreries, travail exécuté à Byzance, lançait par son bec une pluie d’eau de senteur. Au-dessus de cette vasque pendait du plafond la perle magnifique, grosse comme un œuf de casoar, envoyée à Abdérame par Michel II. Les huit portes de cette salle, en albâtre transparent et jaspé, étaient d’ébène, mêlées d’or, d’argent, d’ivoire et de nacre, et soutenues par des colonnes de cristal et de porphyre écarlate. Un habile architecte était venu de Perse pour diriger les travaux.

Dans les vastes jardins qui entouraient d’ombrages ce palais, dit le poète persan Nizami, les oranges et les grenades étaient en si grand nombre, qu’on croyait « voir une illumination. Partout les jasmins dressaient leurs tentes parfumées, partout les bassins de marbre et les ruisseaux d’eau sinueuse étaient encadrés par une telle profusion de rosiers, que les eaux limpides semblaient des roses coulantes… Rien qu’en faisant cette description, il me semble, ajoute le poète, que ma plume s’agite dans les fleurs. Cependant mes paroles sont au-dessous de la réalité. C’était enfin une image du paradis. » Au centre de ces jardins, un kiosque se dressait sur une éminence ; le toit, soutenu par des colonnes de marbre et d’or, abritait une grande coupe de porphyre d’où sortait au lieu d’eau une gerbe de vif-argent, sur laquelle venait se décomposer le prisme solaire, produisant ainsi une éblouissante pluie de feu. Les bains et les réservoirs, en marbre rose ou vert, étaient ornés d’animaux d’or sur lesquels des arabesques de pierreries imitaient les yeux et les dents, les plumes et les aigrettes. L’eau coulait par leur bouche