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cultures en plein rapport. Cette contrée, à deux cents lieues dans le nord-est du Cap, est celle des Bassoutos, tribu importante de la grande famille des Bechuanas. MM. Pellissier, Rolland, Lemue, Gosselin, Arbousset, Casalis et Daumas, qui y furent les premiers pionniers de la bonne nouvelle, se virent conduits par leur heureuse étoile auprès de l’un des chefs les plus intelligens et les plus réellement supérieurs de ces peuplades, Moshesh. Ils ne connurent donc pas la dure phase d’épreuves qu’avaient traversée les missionnaires anglais chez les Bechuanas, et ils purent voir s’échelonner rapidement le long de la rivière Caledon et du fleuve Orange des établissemens auxquels ils donnèrent les noms bibliques de Béthulie, Beerseba, Bethesda, Garmel, Ébron, etc; mais cette prospérité même eut plus tard son inconvénient, en ce qu’elle appela sur ces terres fertilisées les redoutables empiétemens des Boers[1], et l’on sait avec quel brutal abus de la force procèdent ces descendans des premiers colons du Cap. Aussi les missions eurent-elles souvent à souffrir du voisinage de ces luttes, tant au temporel qu’au spirituel, pendant la seconde période du séjour de nos concitoyens chez les Bassoutos.

Sans entrer dans le détail un peu compliqué des divisions ethnographiques des peuples de l’Afrique méridionale, nous rappellerons qu’ils sortent tous de deux souches principales, les Cafres et les Hottentots. A la première de ces deux races se rattachent plus ou moins directement les Bechuanas, les Bassoutos, les Zoulous, etc., répandus sur la côte orientale et dans l’intérieur. La race hottentote, qui habite la partie occidentale de ce vaste continent jusqu’à l’Atlantique, a donné naissance aux Namaquois, aux Griquois, qui valurent à la Société évangélique de Londres son plus beau triomphe, aux Bushmen enfin, dernier terme de la misère et de la dégradation humaine. Les Boers occupent géographiquement une position intermédiaire entre les deux grandes familles des Cafres et des Hottentots. D’origine hollandaise pour la plupart, ils commencèrent vers 1835 leur mouvement d’émigration hors de la colonie, et parvinrent à fonder deux états à peu près indépendans, la république du Trans-Vaal en 1848 et l’état libre de l’Orange en 1854. Ce ne fut pas sans des luttes sérieuses. L’administration coloniale devait en effet voir cette séparation avec d’autant plus de déplaisir, que, malgré leur titre de républiques, ces états ne reposaient en réalité que sur le maintien d’un esclavage plus ou moins déguisé. La guerre des

  1. On donne ce nom à tous les fermiers hollandais de l’Afrique méridionale, mais il faut faire une différence entre ceux qui sont établis dans la colonie du Cap proprement dite et ceux qui se sont transportés au nord de cette limite : autant les premiers sont appréciés, autant ceux du nord le sont peu. Nous ne parlons ici que de ces derniers.