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ports s’ouvrirent au commerce de toutes les nations, en même temps que la présence du souverain donnait à la capitale un lustre qu’elle n’a plus perdu. Qu’est aujourd’hui le Portugal à côté du Brésil, dont le commerce double tous les dix ans? et quelles différentes perspectives l’avenir n’ouvre-t-il pas aux deux pays!

Une légende assez authentique fait de l’Indienne Paraguassu, femme du fondateur de Bahia, la filleule du roi de France Henri II et de Catherine de Médicis. C’est une de ces histoires si fréquentes alors. Un vaisseau portugais se perd sur la côte du Brésil en 1510; seul le capitaine, Diego-Alvarez Correa, échappe au naufrage. Il épouse la fille du chef de la tribu qui l’a recueilli, devient lui-même chef de cette tribu sous le nom de Caramuru (l’homme de feu), fonde une ville sur les bords de la baie, et profite plus tard du passage fortuit d’un navire de Dieppe pour rentrer en Europe. Le succès de Paraguassu fut grand à la cour de France; on voulut l’y baptiser, mais ce fut tout ce que l’on obtint des deux époux, que rien ne put empêcher de retourner à Bahia. Ils y vécurent encore de longues années, après avoir définitivement établi la domination portugaise. On montre leurs tombeaux dans l’église de Nostra-Senhora-da-Graça, du couvent de São-Bento. De plus l’une des rivières de la baie porte le nom de Paraguassu, et l’île qui fait face à la ville a reçu le nom de son père, Itaparica.

Le coup d’œil de Bahia est des plus pittoresques. Au bord de la mer est la ville basse, se déroulant sur une étroite lisière resserrée entre le rivage et la falaise. C’est le quartier des affaires, aux hautes et sombres maisons, aux rues étroites et nauséabondes, auxquelles vient aboutir tout le mouvement commercial et maritime du port; mais de robustes nègres s’empressent autour de vous, offrant de vous transporter à la ville haute, qui s’aperçoit au sommet de la falaise. — Quer cadeira, senhor ? — Défiez-vous de ces cadeiras, perfides chaises à porteurs, si étroites que l’on ne saurait mettre la tête à la portière sans courir risque de verser en donnant du nez contre terre. Il serait dangereux néanmoins d’affronter à pied le soleil, qui transforme en fournaises ardentes les rampes montant d’une ville à l’autre. On s’installe donc de son mieux dans un de ces véhicules à équilibre instable, et l’on arrive bientôt sur un vaste plateau où se développent en liberté les larges voies de la ville haute. Les principales de ces rues sont celles qui longent la rade. Là s’étalent à l’aise les villas et les maisons de plaisance où chacun vient, après le travail de la journée, jouir du magnifique panorama de la baie en respirant la brise du large, et où le soir, sous de vastes portiques, les salons éclairés permettent au promeneur d’entrevoir à travers un rideau d’arbustes de blanches formes de