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ensemble le montant de toutes les sommes déposées sans intérêt ou à un intérêt qui augmente avec la durée du dépôt obligatoire. Toujours est-il que la sécurité de ces établissemens repose en grande partie sur la distinction pratique établie entre les comptes-courans et les dépôts proprement dits.

Les banques anglo-coloniales, notamment celles qui font les affaires de l’Inde et de l’Australie et qui ont leur siège à Londres, ont été les premières à s’écarter de ces règles de prudente réserve. Les banques nouvelles, et surtout les compagnies à responsabilité limitée, les ont complètement mises de côté ; elles ont voulu participer aux bénéfices considérables recueillis par les anciennes banques, en négligeant les procédés admis par celles-ci et en ne voulant pas se rendre compte de la différence de position amenée par le temps.

Jamais champ plus riche ne fut offert à des entreprises bien conduites, puissamment organisées, que celui que rencontraient les joint-stock banks il y a trente ans. Des lois sévères, dictées par un rigorisme outré et par le désir de favoriser le monopole alors existant de la Banque d’Angleterre, ne permettaient point à plus de sept associés de se réunir pour une entreprise de banque, et les astreignaient tous à la responsabilité solidaire, sans aucune limite. Les hommes riches, à moins d’une résolution ferme et d’une vigueur d’action peu commune, hésitaient à tout risquer en ne partageant la responsabilité qu’avec un petit nombre d’associés. Il est vrai que les affaires étaient mieux dirigées, plus soigneusement surveillées et plus sagement conduites dans le cas où un capital suffisant se trouvait acquis par des hommes habiles et actifs ; mais c’étaient là de brillantes exceptions, largement récompensées par un succès solide. La masse des private bankers était loin de s’élever à une pareille hauteur : on en rencontrait beaucoup de faibles, d’ignorans et de peu scrupuleux. De là les faillites multipliées des banques, qui couvraient le sol anglais de ruines à la moindre secousse financière. L’habitude des dépôts et des comptes-courans était sans cesse contrariée et restreinte par le défaut de confiance.

L’établissement des joint-stock banks améliora singulièrement la situation. Par l’effet naturel d’une bonne concurrence, il releva aussi la condition des banques privées, forcées de grandir dans l’estime publique ou de disparaître. Le cercle des comptes ouverts sous toutes les formes dans les diverses maisons s’élargit rapidement ; ce n’étaient plus seulement les hommes riches et les gens d’affaires, ce furent les rangs innombrables de la classe moyenne et des classes laborieuses, les boutiquiers, les petits fabricans, les ouvriers, qui apportèrent leurs modiques ressources, et qui constituèrent un gros capital, réveillé d’un long engourdissement et utilement employé à