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produits et des services, une organisation ferme et véridique de la Banque a suffi pour dissiper l’orage, pour rétablir, sinon l’état normal des choses, du moins un ordre régulier des transactions. Sans doute il a fallu payer cher le capital disponible, dont on avait fait le plus étrange abus ; mais nous ne connaissons pas le moyen de livrer à bon marché ce qui est devenu plus rare et ce qui est recherché davantage.

On essaie vainement de faire peser sur l’act de 1844 une responsabilité qui ne retombe en aucune manière sur les dispositions qu’il consacre. Non-seulement il y aurait injustice à le prendre ainsi pour le bouc émissaire des lourdes fautes commises, mais encore ce serait un grave imprudence que d’agir ainsi : on risquerait de ne point reconnaître les véritables causes de la catastrophe. Appliquons-nous au contraire à les rechercher, écartons les sophismes et les fausses apparences, essayons de dissiper des préjugés invétérés et d’éloigner les prétendus remèdes puisés dans la fiction et dans l’arbitraire. Il n’est que trop d’esprits enclins à suivre ou à flatter les erreurs vulgaires ; pour notre compte, nous préférons les combattre, sauf à risquer de ne pas en avoir raison du premier coup. Il est si commode de supposer qu’on pourrait triompher de tous les embarras en imprimant quelques chiffres sur du papier à vignette ! Sans doute, si la Banque d’Angleterre avait plus de billets, elle pourrait en prêter davantage ; mais que seraient ces billets, que vaudraient-ils, quelle influence pourraient-ils exercer sur l’ensemble des transactions ? Tel est le problème à résoudre. Lorsqu’une crise éclate, quelques intérêts privés peuvent être satisfaits par des facilités factices ; mais que devient alors l’intérêt général ? Comment défendra-t-on ce grand personnage anonyme, ce grand tout le monde, qui risque tant d’être sans cesse sacrifié aux exigences avides de quelques-uns ? Il est sans doute désagréable de se heurter contre un système qui empêche les engagemens imprudemment contractés et de beaucoup supérieurs aux ressources dont on dispose ; il faut cependant s’y résigner quand le charme trompeur des expédiens ruineux est dissipé, quand le pays, plus éclairé, ne croit plus à l’efficacité des mesures artificielles. Rien de plus séduisant que les moyens qui semblent aider à liquider les situations compromises : mais en ajournant le remède efficace on aggrave le mal, on crée une illusion périlleuse en faisant compter sur l’assistance illimitée du crédit. L’action de celui-ci n’est pas restreinte par la loi de 1844, tout au contraire ; elle est bornée par les faits, par la diminution du capital, qu’il est impossible de transmettre quand on en possède peu ou qu’on ne le possède plus. Les demandes s’accroissent en temps de crise et les moyens d’action diminuent : prétendre alors obtenir des avances à bas prix, c’est chercher la pierre