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donc le péril véritable, qui serait de faire naître la pensée qu’on peut impunément lancer dans la circulation un capital fictif, offert à des conditions faciles.

Loin d’être, comme on a voulu le faire accroire, une lacération de l’act de 1844, cette mesure exceptionnelle ne fait qu’appliquer l’esprit véritable dans lequel la loi a été conçue, et que suivre les prévisions de son illustre auteur, sir Robert Peel. Celui-ci écrivait le 4 juin 1844, pour répondre à des appréhensions analogues exprimées par M. Cotton : « J’ai la ferme conviction que nous avons adopté toutes les mesures de prévoyance que le législateur peut sagement consacrer pour prévenir le retour des crises ; celles-ci peuvent encore éclater malgré toutes nos prévisions, mais alors, s’il était nécessaire pour les combattre d’assumer une lourde responsabilité, j’ose dire qu’il se rencontrera toujours des hommes d’état capables de l’accepter. » M. Gladstone était de taille à répondre à cette prédiction de sir Robert Peel et à ne point répudier cette part d’un glorieux héritage. — l’act de1844 n’est nullement dépourvu d’une élasticité nécessaire ; mais il impose une condition qui ne permet pas d’agir avec précipitation ou légèreté. Sir Robert Peel l’indiquait à David Barcklay-Chapman, qui signalait le danger possible ; il lui disait : « Il reste toujours le recours à la reine en conseil ; there is always recourse to the queen in council. »

Le comte Russell et M. Gladstone s’empressèrent d’adresser, dans la nuit même du 11 mai, au gouverneur de la Banque, une lettre officielle dans laquelle après avoir rendu justice aux efforts faits, ils ajoutent :


« Il est des points importans qui établissent une différence entre la crise actuelle et celles de 1847 et 1857. Ces époques ont été des époques de détresse commerciale, mais il ne paraît pas que l’intérêt vital du crédit des banques y ait été impliqué au même degré que dans la crise actuelle.

« En ce moment au contraire, les affaires semblaient comparativement avoir pris un cours mesuré et calme, lorsqu’un ébranlement violent est venu les frapper avec une rapidité intense, en restreignant toute faculté d’y apporter remède par la réflexion. Enfin la réserve de la Banque a subi une diminution sans précédent pour un espace de temps aussi court. C’est surtout en raison de cette circonstance que le gouvernement de sa majesté n’hésite point à regarder comme un devoir d’arrêter sans aucun délai les mesures qui semblent le mieux calculées, afin de calmer l’esprit public et de conjurer les calamités qui menacent le commerce et l’industrie. Si donc les directeurs de la Banque d’Angleterre, en agissant suivant les règles de prudence qui gouvernent d’habitude leur administration, trouvent que, pour satisfaire les demandes légitimes du commerce, ils sont amenés à étendre les avances et les escomptes sur des sécurités approuvées de manière à nécessiter une émission de billets au-delà des limites déterminées par la loi, le gouvernement de sa majesté leur recommande de se rendre immé-