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avances s’en ressente. La Banque hausse le prix qu’elle demande pour le service qu’elle rend, de manière à ne pas être prise au dépourvu. Aussi le commerce suit-il avec une attention soutenue le mouvement de la réserve du département de la banque, ce thermomètre infaillible de la facilité plus ou moins grande avec laquelle pourront être accueillies les demandes de crédit. Quand la réserve diminue d’une manière rapide et sérieuse, l’inquiétude naît aussitôt ; si elle continue à décliner, l’alarme s’empare des esprits. Tel est le fait qui s’est invariablement produit dans toutes les crises avec une intensité plus ou moins énergique.

On voit le niveau du capital disponible s’affaisser ; il a beau présenter des ressources imposantes, on prévoit le moment où celles-ci pourront être absorbées, et on se précipite à la Banque pour s’approvisionner de numéraire métallique ou fiduciaire, n’importe lequel, car le mécanisme régulier du département de l’émission maintient fermement le billet dans une parité absolue avec l’or. La Banque est exposée à voir restreindre ses ressources actives ; elle risque de manquer de comptant, on en veut obtenir à tout prix. Le taux de l’escompte importe peu alors, il ne pèse que sur une opération essentiellement temporaire ; la perte qu’il fait subir est peu de chose en présence de celle qu’entraînerait une liquidation précipitée : celle-ci frapperait le capital lui-même, la première ne porte que sur l’intérêt ; c’est donc remplacer une progression géométrique du sacrifice par une simple progression arithmétique.

La réserve du département de la banque devient le point de mire de tous les calculs ; tout affaiblissement de cette réserve contribue à exagérer le mal réel par le mal de la peur. La publicité des états communiqués au dehors trouble alors les esprits, qu’elle devrait calmer. L’élévation rapide du taux de l’escompte ne suffit plus, l’accroissement des dépôts privés passe inaperçu, le gouverneur et le sous-gouverneur de la Banque ont beau déclarer que la réserve leur paraît suffisante pour faire face aux éventualités, parce qu’ils voient la confiance des déposans leur restituer une partie de ce qu’enlèvent les avances, et que toute crainte au sujet des retraits s’efface de cette manière, en même temps que la part conservée dans la prévision de remboursemens exigibles se trouve dégagée. Il faut, pour dominer le trouble des esprits, quelque chose de plus saisissant, bien que de moins efficace ; il faut que la limite imposée à l’émission de billets non couverts par le métal devienne plus flexible, que la faculté d’obtenir du comptant s’élargisse, sans que la Banque risque de peser sur le marché par l’aliénation forcée des fonds publics qu’elle possède ; il faut que la crainte de voir épuiser la réserve s’efface au moyen d’une permission de suspendre l’act