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De quoi se plaint-on en effet ? De ce que les ressources disponibles de la Banque d’Angleterre se trouvent limitées par son avoir. Il en est qui voudraient qu’elle fût comme une providence monétaire en état de prêter à tous, de prêter toujours, et de faire surgir à volonté des capitaux inépuisables. Ses billets valent de l’or, pourquoi ne pas les multiplier ? — On n’oublie que deux choses, c’est que la confiance inébranlable attachée aux billets vient des règles sévères qui en restreignent la fabrication, et que la monnaie se refuse à une expansion soudaine, créée par des moyens artificiels. Les métaux précieux ont été adoptés comme marchandise tierce, comme intermédiaire des échanges, justement parce que l’on a besoin de temps, de travail et de sacrifices pour se les procurer, parce qu’ils sont l’objet qui présente le plus de fixité au point de vue de l’espace de temps nécessaire pour accomplir les transactions et pour remplir les engagemens dont ils interprètent la portée, parce qu’ils assurent la fidèle exécution des contrats et l’équilibre des valeurs dans toutes les régions. La création arbitraire de signes qui, au lieu de représenter les métaux précieux, aspirent à se substituer à eux et à les remplacer, compromet et détruit la destination même de la monnaie, elle fausse les prix, elle porte le trouble dans toutes les opérations, elle livre tout à des chances incertaines. Ce ne sont plus seulement les relations de la finance et du commerce qui se trouvent atteintes, ce sont tous les engagemens civils, les salaires, les ventes, les achats, les stipulations de toute nature, tout ce qui est régulièrement traduit en chiffres monétaires.

N’insistons pas davantage sur cette indication ; elle suffit pour faire comprendre l’idée-mère de l’act de 1844, et pour en révéler le bienfait. Cette loi a voulu assurer la stabilité de la monnaie, mesure de la valeur, force toujours présente dans les conventions, alors même qu’elle ne fonctionne pas matériellement, et ce qu’elle a voulu, elle l’a fait. L’Angleterre et les autres états n’ont que trop porté la peine des systèmes désastreux qui confondent la fabrication facile des billets de banque avec la création de capitaux. C’est sur cette pente que la Banque d’Angleterre serait replacée par des exigences irréfléchies ; mais celles-ci n’ont heureusement pas chance de prévaloir.

Le département de la banque (bank-department)[1] fait les avances et les escomptes ; il les alimente au moyen des ressources propres à la compagnie et des dépôts publics (fonds de l’échiquier, caisses d’épargne, arrérages de la dette publique, etc.), ainsi que des dépôts privés. Ceux-ci augmentent avec l’extension de la con-

  1. C’est la dénomination technique donnée à la division de la Banque d’Angleterre qui s’occupe de remplir l’office de banque proprement dit, de faire les avances et les escomptes et d’employer ainsi les billets créés par le département de l’émission.