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moins physiologique. La condition n’est pas différente pour les facultés cérébrales; on les étudie physiologiquement, même quand, comme c’est le cas, on est hors d’état de les analyser anatomiquement. Cette investigation purement fonctionnelle est incomplète sans doute, mais n’en est pas moins positive, dirigée qu’elle est par l’ensemble des connaissances acquises sur les tissus vivans en général et sur le tissu nerveux en particulier, et on peut dire, sans beaucoup se tromper, que la valeur des psychologistes, en tant qu’occupés des facultés intellectuelles.et affectives, se mesure sur le compte plus ou moins grand qu’ils tiennent des notions biologiques.

Il n’est pas douteux qu’il y ait une psychologie des animaux supérieurs, psychologie rudimentaire par rapport à celle de l’homme, mais néanmoins très réelle. Cela appartient à la biologie, bien que ne pouvant non plus être étudié que fonctionnellement. La psychologie animale et par suite la psychologie comparée mettent à néant l’indépendance de la psychologie à l’égard de la biologie.

Ces explications montrent que M. Comte n’a commis aucune erreur de méthode en plaçant dans la biologie l’étude de la psychologie, si par psychologie on entend les facultés intellectuelles et affectives; mais si par psychologie on entend simultanément l’idéologie et même la logique, alors on reproche à M. Comte une chose toute différente de celle qu’on lui reprochait. Ce sont des confusions qu’il n’est pas sans importance d’écarter, et là intervient la distinction que j’ai indiquée tout à l’heure entre les facultés et leurs produits. Je commence par un exemple qui présentera ma pensée sans l’exagérer ni l’amoindrir. Parmi les localisations cérébrales tentées par la physiologie contemporaine, il en est une qui approche beaucoup de la démonstration, je veux parler de celle qui place la faculté du langage dans une des circonvolutions antérieures du cerveau. Voilà de la physiologie cérébrale complète, une fonction déterminée, un organe déterminé ; mais si la faculté du langage appartient à la biologie, la grammaire, qui en est le produit, ne lui appartient pas. C’est ainsi que n’appartiennent à la biologie ni l’idéologie, ni la logique, et j’ajouterai ni l’esthétique, ni la morale, qui sont aux facultés esthétiques et affectives ce qu’est l’idéologie aux facultés intellectuelles. Ce sont des résultats qu’il faut chercher et étudier dans les règles de morale personnelle, domestique et sociale qui interviennent parmi les hommes, dans les œuvres poétiques, architecturales, pittoresques, sculpturales, que produisent les génies créateurs, dans les méthodes qu’enfantent les sciences en se développant, dans les idées et les raisonnemens dont on examine les conditions. Ces embranchemens ont un ensemble d’objets