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LE NOUVEAU LOUVRE.

pas, qu’engendre un tel système. On ne prolonge pas impunément, sans raison ni mesure, le monument même le plus parfait. Ce que tout à l’heure nous disions à propos du pavillon de Lemercier est ici bien autrement vrai, car pour ces pavillons à cariatides l’imitation ne porte que sur une donnée générale, les détails de l’exécution diffèrent entièrement, tandis qu’ici tout est imitation, les détails aussi bien que l’ensemble, l’exécution comme la pensée.

Si du moins la copie était vraiment fidèle, il n’y aurait que demi-mal. On serait encore en droit de trouver inutile et même fastidieuse cette répétition, à si peu de distance, de deux monumens identiques ; mais notre honneur serait sauf, nous n’aurions pas la mortification de nous faire battre par le XVIe siècle en allant sans nécessité nous commettre sur son terrain. Tel est pourtant le résultat de ce système d’imitation si imprudemment adopté. Il ne suffit pas en effet de dire à un architecte : Détruisez-nous la galerie de Henri IV et refaites en place la galerie de Catherine ; il faut encore que d’une part la configuration du terrain, de l’autre les nouvelles prescriptions du programme ne mettent pas l’artiste dans l’impossibilité de soutenir à armes égales la lutte qui lui est commandée.

Quant au terrain, n’est-il pas évident qu’aux approches du pavillon de Flore, par l’effet du remblai qui bute la culée du Pont-Royal, le niveau du sol est tout autre qu’à deux cents mètres plus loin, devant la galerie proposée pour modèle ? Or, comme le premier étage de la grande galerie formant plain-pied entre les Tuileries et le Louvre est un niveau invariable, il s’ensuit que, si vous demandez qu’on vous donne au voisinage du pavillon de Flore la même architecture qu’aux abords du pavillon de Lesdiguières, vous proposez un problème insoluble. Ainsi la perle, le joyau, l’honneur de cette charmante façade, la frise attribuée aux frères L’Heureux, il faut vous en passer ; vous n’avez pas moyen d’introduire une frise dans votre imitation ; elle serait à deux mètres du sol, et les pilastres qui la supporteraient auraient l’air de tronçons rabougris. Vous voilà donc forcé d’innover en imitant, d’inventer une autre ordonnance, tout en gardant le même décor. Votre modèle se divise en trois ordres, vous êtes condamné à n’en avoir que deux. Il vous faut renoncer au petit ordre intermédiaire, au mezzanino, simple expédient sans doute, sans autre but que le raccordement de la galerie du premier étage avec un soubassement antérieurement construit, mais, comme tant d’autres expédiens fournis par le hasard, combinaison heureuse, originale, qui contribue à l’agréable aspect de toute cette façade. Le mezzanino supprimé, les pilastres prolongés jusqu’au premier étage, il va sans dire que l’effet général est complètement changé. Ajoutez même que dans chaque travée de ce nou-