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LE NOUVEAU LOUVRE.

plement ces lourds pilastres et cet entablement coupé par des fenêtres, c’était pousser trop loin le respect du passé, que de l’aveu de tous cette architecture de Henri IV était une erreur de goût : pourquoi dès lors s’imposer le devoir de la faire vivre quelques siècles encore ? Ne valait-il pas mieux tenter quelque autre essai ? — Nous convenons que cette architecture n’était pas un chef-d’œuvre ; mais à ses défauts mêmes ne s’attachait-il pas une empreinte historique qui n’est jamais à dédaigner ? C’était le caractère, le cachet d’une époque, et même on pourrait dire que ce style un peu lourd n’était pas sans utilité, qu’il faisait mieux valoir par l’effet du contraste les charmantes délicatesses d’une autre partie de la même galerie plus rapprochée du Louvre. N’était-ce rien enfin que la vieille habitude de voir à ce palais cette physionomie, toute défectueuse qu’elle fût ?

Aussi remarquez bien que le premier empire, quoiqu’il ne pût avoir et pour la royauté et pour ses monumens que l’amour le plus platonique, n’hésita pas à reconnaître qu’il y avait là des souvenirs qui méritaient respect. Lorsque après le déblaiement d’une partie du Carrousel il fut question de commencer le grand travail maintenant accompli, la jonction des Tuileries et du Louvre, lorsqu’il fallut décider quel serait le style des constructions nouvelles en retour du pavillon de Marsan et parallèles à la rue de Rivoli, il n’y eut pas même un doute : tout d’une voix on reconnut que du côté du Carrousel on devait reproduire la galerie de Henri IV. Et cependant à cette époque on était loin de professer cet amour de l’histoire, ce culte des monumens aujourd’hui en si grand honneur. Les architectes de l’empereur, pleins des idées de leur temps, devaient priser médiocrement, et encore moins que nous peut-être, les licences de cette architecture. Ils n’avaient aucun goût à s’en faire les copistes, et auraient cent fois mieux aimé, aussi bien sur le Carrousel que sur la rue de Rivoli, se donner carte blanche et composer une façade. D’où vient qu’ils n’en ont rien fait et se sont résignés à reproduire ces pilastres accouplés et ces échancrures d’architraves ? C’est qu’ils étaient gens de bon sens, et qu’adopter un plan qui aurait grevé l’état d’une double dépense pour le seul avantage de faire du nouveau leur semblait une témérité qu’ils n’osaient concevoir, et que l’empereur de son côté n’eût jamais accueillie. Quel que fût son amour des grandes constructions et son désir immodéré de perpétuer son nom, ne fût-ce que par l’éclat de ses monumens, il avait avant tout l’horreur des prodigalités. Construire sur un nouveau modèle vis-à-vis de la galerie de Henri IV, c’était ou renoncer à toute symétrie, ce qui aurait révolté ses habitudes italiennes, ou bien s’imposer la charge de démolir et de refaire à neuf l’ancienne galerie dès que la nou-