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LE
DERNIER AMOUR

QUATRIÈME PARTIE[1].



Je savais dès lors tout ce qu’il m’importait de savoir : le passé de cette liaison, le présent, les aspirations vers l’avenir ; le degré actuel de sincérité, de lucidité ou d’entraînement de l’un et de l’autre coupable, les audaces, les sophismes, les craintes et les espérances, je savais tout. Mon rôle changeait de phase. Je n’avais plus à m’éclairer, l’enquête était finie ; j’avais à examiner la cause en moi-même et à prononcer le jugement. Mais, quelque irrité et indigné que je fusse, j’étais un homme trop réfléchi pour ne pas voir qu’avant de juger les coupables il fallait juger l’importance du délit, et avant cela encore juger l’espèce humaine. Il fallait même remonter plus haut et se perdre dans la contemplation de l’infini, car nous ne pouvons définir l’homme sans mettre Dieu en cause.

Je ne pouvais procéder que d’après mes propres lumières, et je n’avais pas attendu jusqu’à ce jour pour me fixer dans ma croyance. Ni spinosiste, ni cartésien, je procédais pourtant en grande partie, comme tous les hommes de mon temps, de l’un et de l’autre système, et je m’étais complété par la doctrine du progrès, qui semble devoir accorder les deux doctrines. En effet, s’il est certain que Spinosa ait raison en faisant la liberté et la responsabilité de nos

  1. Voyez la Revue du 1er  et du 15 juillet, du 1er  août.