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tentés et les résultats obtenus. Le plan dressé a priori de ces opérations, quel qu’en soit l’auteur, mérite la plus entière approbation; mais ce plan primitif, qui a déjà coûté à la ville plus de 650 millions et à l’état 77, fut singulièrement dépassé. Sous prétexte de viser au grand, on tomba dans l’excessif, et cette pensée s’est surtout révélée dans la loi de 1859 sur l’extension des limites de Paris. Cette mesure, sur laquelle nous nous sommes expliqué dans la Revue, inutile au point de vue politique, dangereuse socialement parlant, est surtout mauvaise dans ses résultats financiers. Il y a trois ans, nous faisions nos réserves sur les dépenses qui en résulteraient pour la ville. Elles étaient évaluées alors à 150 millions, c’est du double qu’il est question maintenant, et sait-on où l’on s’arrêtera? L’administration en outre, après s’être préoccupée de l’utilité, glisse de plus en plus sur la pente du luxe. A force de vouloir réparer, on refait tout, et il en est d’une vieille ville comme d’un vêtement où chaque morceau neuf rapporté en commande inévitablement un autre. Cette restauration vraiment bonne pour quelques quartiers de Paris, pour la Cité par exemple et les arrondissemens du centre, était-il nécessaire de l’entreprendre partout à la fois et de transformer aussi la Villette, Belleville, Vaugirard et Charenton? Il faut toutefois reconnaître que la prospérité financière de la capitale a singulièrement favorisé ce prodigieux développement de travaux : de 1860 à 1864, l’élévation moyenne du revenu ordinaire a été de 5,750,000 francs par an. Le total est aujourd’hui de 134 millions, — avec une population de 1,700,000 habitans, — et par conséquent bien supérieur à celui de Marseille qui pour 300,000 habitans n’atteint pas 10 millions 1/2. Le chiffre de la dette présente aussi une différence à l’avantage de Paris. Même après le dernier emprunt de 250 millions en 1865, l’ensemble ne dépasse guère 500 millions, et Marseille a un passif de plus de 100 millions. Pour que la parité fût égale entre les dettes et les ressources ordinaires de ces deux villes, il faudrait que le revenu de Paris restât inférieur à 78 millions. Il est vrai que dans le chiffre du passif de la capitale ne sont comprises ni les sommes qui pourraient rester dues après une liquidation de la caisse des travaux, ni les indemnités courantes pour expropriations, ni surtout les annuités à plus ou moins long terme consenties aux entrepreneurs des grands percemens nouveaux. Quoi qu’il en soit, ce ne sont pas les conséquences financières qui donnent surtout matière à réflexion dans le système suivi pour la transformation de Paris : c’est l’absence de responsabilité et de contrôle, la précipitation inutile, la rapidité de la pente sur laquelle on se laisse entraîner, l’affectation enfin à des dépenses improductives d’une richesse dont il n’était pas impossible de faire un meilleur emploi.