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II. — LES PORTS DE MARSEILLE.

L’ancien port de Marseille, celui qui subsistait encore il a vingt ans, quelque sécurité qu’il offrît aux navires, était loin de satisfaire aux progrès du commerce avec une surface de 29 hectares, des quais étroits de 2,500 mètres de développement, une eau fétide et un envasement continu. Aussi dès 1820 avait-on élargi le quai de Rive-Neuve; on commençait en 1829 un bassin de carénage; en 1839, on procédait à l’élargissement du quai de Vieille-Ville et à l’approfondissement général du port, aux termes d’une loi rendue pour l’amélioration de dix-sept autres ports. Cependant ce fut seulement en 1844, lorsqu’on affecta 40 millions aux travaux de nos trois premiers ports de commerce, que se révéla la pensée créatrice dont l’exécution a si fort accru la fortune de Marseille en satisfaisant aux besoins du moment et en préparant tous les agrandissemens futurs. L’exposé de motifs de cette loi de 1844 consacrait en termes qu’on ne saurait trop louer le grand système adopté depuis la révolution de 1830 pour les travaux publics de la France. C’est une des gloires, et non pas la moindre, du gouvernement de juillet que la largeur des vues, la conception irréprochable du plan général embrassant toute la France, d’après lesquelles pendant dix-huit ans les entreprises publiques ont été exécutées sous les ordres de M. Legrand par tant d’habiles ingénieurs. Dès les premières années du nouveau régime, le sol tout entier du pays était étudié à sa surface et dans ses profondeurs; au début du règne, le programme des conquêtes pacifiques était tracé par la même main qui en poursuivit et dirigea l’application. On n’a pas oublié les exposés de motifs de ces belles lois destinées à ouvrir toutes les grandes et petites communications de terre, fluviales, maritimes. Après les routes royales, les routes stratégiques, les chemins vicinaux, vinrent les améliorations des rivières, l’établissement des canaux. L’opinion publique était encore hésitante, presque indifférente même à l’endroit des chemins de fer que déjà le tracé des lignes principales était étudié et présenté. On a eu souvent occasion de le remarquer : si dans la construction des chemins de fer la France n’a pas marché aussi vite que d’autres pays, elle a évité du moins beaucoup des fautes et des désastres subis ailleurs; elle l’a dû à l’excellence du plan primitif adopté, et le soin avec lequel les administrations postérieures ont suivi ce plan témoigne en faveur de la pensée qui l’a conçu. Les travaux des ports étaient l’objet d’une sollicitude non moins vigilante et non moins éclairée. Ainsi que le disait l’exposé de motifs de la loi de 1844 pour la création du nouveau port