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prises ne se poursuivent pas sans de grands sacrifices financiers, et après les descriptions louangeuses viennent les humbles, mais nécessaires appréciations du budget. Comment l’administration de la ville a-t-elle aligné les chiffres redoutables qui se résolvent en lourdes charges pour les contribuables? Marseille, plus heureuse sous ce rapport que Paris et Lyon, possède une municipalité issue du suffrage de la population. Quel a été l’esprit de cette autorité municipale élue? Quels entraînemens ont eu lieu? Quelle suite dans les projets ou quelles modifications sont devenues nécessaires? Nous le rechercherons avec soin et nous le dirons avec franchise, jaloux avant tout de faire preuve envers les choses et envers les hommes d’exactitude et d’impartialité.


I. — CANAL DE LA DURANCE. — EAUX DE MARSEILLE.

Des grands travaux exécutés à Marseille, le premier en date est le canal de la Durance. En 1838, les fontaines de cette cité populeuse, qui comptait déjà 150,000 habitans, n’étaient alimentées que par la petite rivière de l’Huveaune et deux sources. Dans les jours d’abondance, le débit total était de 108 litres par seconde; mais il se réduisait pendant les chaleurs de l’été à un filet d’eau si mince qu’il fallait souvent requérir la force armée pour le garder. Ce n’est qu’après un demi-siècle d’essais, et grâce à l’initiative du maire, M. Consolat, que la grande question des eaux fut enfin abordée sérieusement. L’habile ingénieur M. de Montricher la résolut, et par une rare fortune il acheva d’exécuter lui-même le projet qu’il avait conçu.

Avec des recettes de 4 millions seulement, l’autorité municipale n’hésita point à se lancer dans une dépense qui était évaluée à 40 millions de francs. La loi du 4 juillet 1839 autorisa la ville à ouvrir à ses frais un canal dérivé de la Durance de 2m 40 de profondeur, de 9m 40 de large, et d’un débit de 5m 75 centièmes par seconde à l’époque des plus basses eaux. La branche-mère, depuis la prise jusqu’au vallon de Saint-Antoine dans le bassin de Marseille, se prolongeait sur 87 kilomètres, dont 17 en souterrain. Les travaux préparatoires seuls nécessitaient 60 kilomètres de chemins de service. Or en 1846 le canal était ouvert sur toute la ligne, et le 8 juillet de l’année suivante les eaux arrivaient à Saint-Antoine aux acclamations d’une population immense. Il faudrait relater toutes les difficultés vaincues dans cette lutte de la science contre les accidens du sol pour apprécier dignement l’œuvre de M. de Montricher. Les souterrains creusés, parmi lesquels celui des Taillades mérite une mention particulière; les ponts et aqueducs, dont le plus re-