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au point culminant de la courbe ascendante[1]; mais les causes bien connues de ce temps d’arrêt ne sont point particulières à Marseille, elles ne sauraient durer, et l’élan du commerce ne se sera ralenti que pour reprendre avec plus de vigueur. Un élément nouveau de cette prospérité, la marine à vapeur, n’a d’ailleurs cessé de progresser, ainsi que le constate chaque année le compte rendu de la chambre de commerce. Sur 5,788 navires entrant à Marseille à la fin de la restauration, on n’en comptait pas un seul à vapeur. En 1864, sur 9,095 navires entrés et 8,936 sortis, la marine à vapeur en compte plus de 5,000 à l’entrée et à la sortie, dont 4,000 français. En même temps le tonnage de ces bâtimens s’élève toujours, ainsi que le nombre des passagers. Au tonnage maritime il faut ajouter le mouvement du chemin de fer, dont les chiffres augmentent à chaque exercice. Le chemin de fer en effet est en grande partie le prolongement de la mer; de plus il amène et emporte des marchandises qui ne sont pas destinées à la navigation. La gare de Marseille avait, dès la première année de l’exploitation complète de la ligne principale, en 1856, reçu 566,499 voyageurs à l’arrivée et au départ, et 684,332 tonnes de marchandises; en 1865, le trafic a atteint 1,216,091 voyageurs et 1,318,755 tonnes de marchandises. Un autre indice non moins caractéristique de prospérité nous est fourni par les opérations de la succursale de la Banque de France. Soit pour l’importance des opérations effectuées, soit pour le montant des bénéfices réalisés, elle dépasse toutes les autres, même celles de Lyon, Lille, Rouen et Bordeaux[2]. En même temps de nouvelles compagnies financières se fondent, des sociétés de crédit de Paris et de Lyon, des sociétés anglaises créent des comptoirs à Marseille, et malgré la hausse de l’intérêt l’argent est venu de toutes parts alimenter une activité à laquelle l’importance des riches maisons de Marseille ne suffisait plus.

L’aspect extérieur de la ville révèle tout d’abord cette prospérité. L’impression est surtout frappante pour celui qui a pu comparer Marseille à plusieurs époques et qui se rappelle ce qu’il était avant l’achèvement du chemin de fer, avant la création des nouveaux ports et la dérivation des eaux de la Durance. S’il a perdu le ravissement de ce premier regard jeté des hauteurs de la route d’Aix sur un golfe moins vaste, moins riant que la baie de Naples, mais d’une beauté plus sévère, mise en relief dans un cadre plus

  1. En quatre ans, le mouvement commercial du port de Marseille a varié à peine de 20,000 tonnes.
  2. Les sommes escomptées ou avancées par la succursale de la Banque de France à Marseille se sont élevées en 1862 à 334 millions, en 1863 à 475 millions, en 1865 à 606 millions.