Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 64.djvu/62

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
58
REVUE DES DEUX MONDES.

maturité ? Qu’importait une année de plus pour s’épargner des siècles de regret ? — Ces respectueuses remontrances, présentées dès l’abord, avant que le projet fût en exécution, valaient au moins la peine qu’on les examinât.

On ne répondit rien, ou plutôt la réponse ne se fit pas attendre : les travaux commencèrent ; le terrain fut creusé, et bientôt dans ces immenses fouilles on versa des flots de béton, devenus aussitôt comme un rocher factice sur lequel les assises de pierre ne tardèrent pas à s’élever. Alors on vit sortir de terre et grandir à vue d’œil d’énormes pavillons, flanqués de longues séries d’arcades et entrecoupant des corps de bâtimens si vastes, si profonds, si nombreux et si hauts qu’il eût fallu dans l’ancien temps peut-être un demi-siècle pour les édifier. En moins de cinq années, le tout était construit, couvert et en partie sculpté.

Si donc il s’agissait de constater l’exactitude et la célérité des conducteurs de ces travaux, l’embarras ne serait pas grand, la tâche nous semblerait légère ; mais par malheur l’architecture n’entend pas qu’on la juge ainsi. Exprime-t-elle ce qu’elle doit dire ? le dit-elle avec simplicité, avec élégance ou grandeur ? repousse-t-elle les parures inutiles, la richesse de mauvais aloi ? Voilà ce qu’on lui demande, ce que la postérité veut savoir. Qu’on ait bâti plus ou moins vite, il nous importe peu, le temps ne fait rien à l’affaire. Ce n’est d’ailleurs que la masse extérieure, l’enveloppe visible de ce Louvre nouveau qu’on a construite avec si grande hâte. Tout ce qui n’est pas vu du dehors, les distributions, les décors, les dégagemens, les escaliers, tout l’intérieur enfin marche d’un pas beaucoup moins prompt, nous dirions presque avec lenteur. Faut-il s’en étonner ? On ne saurait tout faire en même temps. Le ravalement de ces façades était à peine terminé qu’une autre œuvre dont tout à l’heure nous parlerons avec détail, la reconstruction des Tuileries, a pris un caractère d’urgence et de nécessité dont jusque-là personne n’avait encore soupçon, travail immense où chaque année vont s’engloutir tous les fonds disponibles. De là un temps d’arrêt forcé dans l’achèvement du Louvre. On avait annoncé que pour l’exposition prochaine, pour 1867, l’escalier principal, celui qui doit conduire directement au grand salon, serait livré au public ; vain espoir : on se contentera de terminer pour cette époque un escalier plus modeste, celui qui se développe dans une partie du pavillon Mollien. Et qui peut dire, une fois cette occasion manquée, quand la dernière main sera mise à l’intérieur du Louvre ? Ce ne sera certes pas avant que les travaux extérieurs en cours d’exécution (la reconstruction et l’élargissement de la galerie du bord de l’eau) soient eux-mêmes entièrement terminés : or d’ici là peut-on