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Papenheim et de le rappeler avec la division qu’il avait emmenée. Papenheim était à Halle, et faisait le siège d’une petite place. Il quitta tout, prit avec lui six régimens de cavalerie, et, après avoir ordonné aux autres régimens de le suivre le plus tôt possible, il se précipita sur le chemin de Lützen. L’arrivée d’un tel général avec des troupes fraîches changea encore une fois la fortune du combat. Aussi célèbre par sa dévotion exaltée que par sa bravoure téméraire, Papenheim apparut aux yeux de l’armée impériale comme un sauveur envoyé de Dieu. Un phénomène singulier ajoutait à la terreur qu’il inspirait : la nature l’avait marqué au front d’une tache rouge de la forme de deux sabres en croix. Ce signe fatal lui donnait l’air d’un homme destiné à l’extermination des ennemis de l’église. Ses exploits dans cette grande journée, les ravages qu’il porta dans les rangs des protestans répondirent à l’espérance de ses fanatiques soldats, et vraisemblablement l’affaire aurait mal tourné pour les Suédois, si un coup de canon ne fût venu frapper mortellement le redouté général. On dit qu’avant d’expirer il prononça ces paroles : « Je meurs content, puisque l’implacable ennemi de ma religion est mort avant moi. »

Il était deux heures après midi lorsque Papenheim fut tué[1]. Cette perte imprévue troubla autant les impériaux que la mort de Gustave avait animé les Suédois. Ceux-ci, un moment étonnés de la soudaine attaque de Papenheim et forcés de reculer devant la supériorité du nombre, reprirent l’offensive avec une ardeur nouvelle. Il y eut là une dernière lutte acharnée et un carnage affreux. Enfin, à la chute du jour, les impériaux accablés de fatigue plièrent; mais au lieu de profiter des ténèbres naissantes pour aller à quelque distance prendre une autre position, s’y reposer quelque temps et s’apprêter à recommencer le combat le lendemain, ils s’enfuirent jusqu’à Leipzig, abandonnant leurs canons et leurs bagages, et convertissant ainsi la retraite honorable qu’ils auraient pu faire en une défaite et une déroute. Wallenstein arriva le soir à Leipzig, et quelques heures après il était sur la route de la Bohême, tandis que les Suédois, harassés aussi de fatigue et ayant perdu beaucoup de monde, demeurèrent et couchèrent sur le champ de bataille.

Le combat avait duré six heures. Toute la plaine était couverte de morts, de mourans et de blessés. Dix ou douze mille hommes avaient péri. Les généraux s’étaient battus comme des soldats; tous étaient blessés, plusieurs avaient succombé. Isolani, le chef de la cavalerie croate, était resté sur la place. Brahé, le digne comman-

  1. Richelieu.