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s’en aperçoive. Au même instant, une autre balle lui brise les reins. Il tombe de cheval, prononçant ces mots : Mon Dieu, mon Dieu! Une mêlée effroyable s’engagea autour de lui. Il fut massacré, dépouillé, et les Suédois eurent bien de la peine à regagner le corps de leur souverain.

La relation de Wallenstein, qui nous a été conservée, est différente. « Le roi[1] voulant venir au secours de ses troupes qui pliaient, un caporal des troupes impériales prit un mousquetaire par la main et lui dit, voyant que chacun faisait place au roi : Tire sur celui-là y car c’est assurément quelque gros collier; sur quoi le mousquetaire, ayant couché enjoué, tira si juste qu’il cassa le bras au roi. A l’instant même, un de nos escadrons conduit par un homme vêtu d’une cuirasse luisante, qu’on croit avoir été le lieutenant-colonel de Falckenberg, enveloppa le roi, et ledit lieutenant-colonel lui tira un coup à la tête dont il tomba mort, et sur-le-champ il fut dépouillé. Les Suédois ayant ensuite rechassé les impériaux et recouvré le corps de leur roi, Falckenberg fut tué en vaillant homme sur la même place où il avait tué le roi. »

Tel est le premier acte de la bataille, qui semblait alors perdue ou bien compromise. En voici le second :

Après un premier moment de consternation, l’armée suédoise fut saisie d’une fureur héroïque qui changea la face de l’affaire, et parmi les lieutenans de Gustave-Adolphe il s’en trouva un qui se montra digne de lui. Le duc Bernard de Saxe-Weimar prit le commandement de l’armée. Le major-général Kniphausen, qui était à la tête de la réserve, lui montrant ses troupes intactes et dans le meilleur état, lui dit qu’il pouvait faire une belle retraite. « Non, répondit le duc Bernard; il ne s’agit pas de retraite; il faut périr ou gagner la bataille et venger le roi. »

Là-dessus il ordonna au régiment qu’il avait sous la main de le suivre, et, le colonel de ce régiment paraissant hésiter, il lui passa son épée à travers le corps[2]; puis, allant successivement aux autres régimens de l’armée, il leur communiqua son âme. La droite de Wallenstein fut attaquée de nouveau avec tant de furie qu’elle s’ébranla. L’infanterie de Nicolas de Brahé chargea les gros bataillons carrés du duc de Friedland et les rompit. Enfin la victoire commençait à pencher du côté des Suédois, quand tout à coup Papenheim arriva.

Dès qu’il avait été décidé dans le conseil de Wallenstein qu’on livrerait bataille, le généralissime s’était hâté de faire courir après

  1. Arkenholtz, p. 562.
  2. Richelieu.