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publique, à moins qu’on ne démontrât qu’il recevait l’instruction à domicile ou dans une école privée. Cette taxe payée, l’école était gratuite. L’effet de cette mesure dépassa toute attente. Le chiffre des élèves s’éleva en peu d’années de 20 à 30,000, et le nombre des absens fut réduit à une proportion presque insignifiante[1].

D’après les derniers relevés (1er janvier 1864), on comptait dans les Pays-Bas 3,608 écoles primaires, dont 2,549 écoles publiques et 1,059 écoles privées, ce qui fait 1 école par 100 habitans. Le nombre total des élèves montait à 391,407, dont 208,735 garçons et 182,672 filles, soit 10 élèves par 100 habitans. Un peu plus du tiers recevait l’instruction gratuitement. Comme en Amérique, les écoles sont communes pour les deux sexes; on a seulement soin de les placer sur des bancs différens, et comme aux États-Unis on s’applaudit des résultats obtenus. Garçons et filles s’habituent à vivre côte à côte sous l’œil du maître; ils ne cherchent pas à se rencontrer hors de l’école. Le mystère disparaît; des relations simples s’établissent comme entre frères et sœurs. Une certaine retenue s’impose aux garçons, et leur manière d’être y gagne. Les instituteurs que j’ai interrogés sur ce système, si contraire aux idées reçues en France, m’ont toujours répondu qu’ils y voyaient de grands avantages, et qu’ils n’en avaient pas encore découvert les inconvéniens.

La Hollande vient de nous montrer comment on arrive à résoudre ce grave problème de la sécularisation de l’enseignement primaire, non-seulement sans ébranler les sentimens moraux et religieux, mais au contraire en les purifiant, en les imprégnant de tolérance et de charité réciproque, en les élevant au-dessus de la sphère orageuse des dissidences dogmatiques. Ce système est la conséquence logique de la séparation de l’église et de l’état : on ne peut y échapper sans aboutir à des conflits avec l’autorité ecclésiastique, à moins que le pouvoir civil ne soit prêt à toujours céder. A l’instituteur la morale reposant sur la raison, au prêtre le dogme émanant de la révélation, voilà la solution simple et qui devrait convenir à tous les partis, même aux catholiques, car le pape, on l’a vu, condamne le système actuel parce qu’il confie l’enseignement du dogme à des maîtres laïques. Il ne s’agit ici, bien entendu, que des écoles publiques entretenues par les contributions de tous les citoyens. L’école privée doit être libre. Elle sera confessionnelle,

  1. Los Hollandais appellent cette mesure coercitive schoolgeldplegtigkeid, c’est-à-dire obligation de la rétribution scolaire. Elle a été établie dès 1530 dans la province de Drenth, et en 1566 dans celle d’Over-Yssel; « pour tout enfant, disait cet ancien règlement, qui aura atteint sa huitième année, les parens payeront 15 sols par an, que l’enfant aille ou non à l’école. » Le Canada a adopté une mesure semblable avec le plus grand succès.