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fonde ainsi en fait des écoles irréligieuses, athées. Que peut-on attendre de l’école? dit-il. Que les enfans y soient, comme dit M. Guizot, « dans une atmosphère religieuse? » Certainement il doit en être ainsi; mais cela dépend surtout de l’instituteur. Il y a dans le cœur de l’enfant une révélation morale et religieuse sur laquelle le maître peut et doit agir : c’est la conscience de l’enfant. Le maître doit l’éveiller, l’élever par des exemples, des récits, par l’influence de chaque jour, bien plus que par d’arides et froids préceptes. Les deux vérités fondamentales qu’on retrouve dans toutes les religions révélées et dans toute croyance religieuse, c’est qu’il y a un Dieu qui veille sur nous comme père et comme juge, et qu’après cette vie il y en a une autre où le bien est récompensé et le mal puni. Ces deux grandes vérités qui sont la base de toute morale doivent être enseignées dans l’école laïque, afin d’y développer les vertus sociales, les vertus qui font l’homme de bien et le citoyen utile. Avec ces deux principes de foi, passant du père aux enfans et de génération en génération, la jeunesse trouvera au fond de son cœur une force d’amélioration qui la rendra digne de la liberté et un germe de vertu qui la soutiendra dans l’épreuve, dans le malheur. Non, l’école ne sera pas irréligieuse, athée, aussi longtemps que la vertu et la morale feront partie de la religion, aussi longtemps qu’on y enseignera ces bases éternelles de tout culte, la croyance en un Dieu et en l’immortalité de l’âme, aussi longtemps qu’on pourra y montrer le Christ comme le modèle de l’humanité. Ce seront, il est vrai, des écoles non ecclésiastiques, kerkelooze scholen, des écoles laïques; mais c’est ce qu’elles doivent être, si l’on ne veut pas asservir l’état à l’église dans la plus délicate de ses missions, celle déformer la jeunesse pour la vie moderne.

Le projet de loi présenté par le gouvernement portait que l’instituteur doit développer le germe des vertus sociales et chrétiennes. Ce dernier mot offusquait les catholiques; ils en demandaient la suppression, parce qu’il pouvait autoriser une certaine tendance dogmatique. Les protestans au contraire en voulaient le maintien, trouvant que la loi ainsi conçue répondait aux vœux de la majorité de la nation. L’homme d’état le plus en vue de la Néerlande et qui a occupé le ministère de l’intérieur presque constamment depuis 1848, M. Thorbecke, détermina le caractère précis de la loi avec une grande lucidité. Dans ce qu’il fait comme dans ce qu’il permet, disait-il, le pouvoir civil doit être complètement indépendant des confessions, comme les confessions doivent l’être de l’état; mais de ce que l’autorité laïque n’est point soumise à l’église pas plus que l’église à l’autorité laïque, en résulte-t-il que le christianisme est étranger à l’état ou à ce qui se fait au nom de l’état? Oui, quand il