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l’expression dont ils se servirent. L’archiprêtre de Frise disait dans sa réponse à la communication ministérielle : « Pour voir régner la concorde et la charité entre les diverses communions, il est nécessaire, à mon avis, que les instituteurs s’abstiennent de l’enseignement des dogmes des diverses communions. Afin d’atteindre le but salutaire que le gouvernement se propose et pour lequel il réclame notre active coopération, c’est par les enfans qu’il convient de commencer. » L’école laïque fut donc établie avec l’approbation de tous. Ce système, qui est combattu aujourd’hui avec tant d’animosité par les ultra-protestans et par les catholiques ultramontains, était considéré alors comme le seul moyen de faire régner la tolérance et la charité, et d’obtenir un bon enseignement dogmatique, enseignement que la plupart des instituteurs étaient et sont encore incapables de bien donner.

Malgré les lacunes que présentait la loi nouvelle, elle eut d’excellens résultats. L’inspection fut admirablement organisée, et c’est à elle qu’on dut surtout le progrès accompli. Chaque province était divisée en un certain nombre de districts, à la tête desquels se trouvait un inspecteur. Tous les inspecteurs de la province se réunissaient trois fois par an pour former la commission provinciale de l’instruction primaire, chargée d’examiner les rapports sur la situation des écoles et de délivrer les certificats de capacité aux instituteurs. Une fois dans l’année, chaque commission provinciale envoyait à La Haye un délégué, et ces délégués, en présence du ministre et sous la présidence de l’inspecteur-général, s’occupaient des améliorations à introduire dans le système de l’enseignement. Grâce aux efforts des communes, presque partout convaincues des avantages de l’instruction du peuple, grâce aussi à l’action incessante du pouvoir central, des écoles s’élevèrent en grand nombre, et les méthodes qu’on y suivit les placèrent au premier rang de celles qui existaient alors en Europe. On possède à ce sujet le témoignage de deux juges compétens, Cuvier en 1811 et M. Cousin en 1836. En visitant les écoles des Pays-Bas, Cuvier fut frappé d’étonnement et d’admiration. Il exprime ce sentiment en des termes remarquables. « Nous aurions peine, dit-il, à rendre l’effet qu’a produit sur nous la première école primaire où nous sommes entrés en Hollande. La première vue de cette école nous avait causé une agréable surprise; lorsque nous fûmes entrés dans tous les détails, nous ne pûmes nous défendre d’une véritable émotion. » Ce qui intéressa surtout M. Cousin, ce fut le principe de l’école laïque mis en pratique à la satisfaction générale. Quoiqu’il n’en soit point partisan, il ne peut en nier les bons résultats. Il cite même les paroles de M. van den Ende, l’inspirateur de la loi de 1806, qui, trente