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d’insister davantage pour conclure qu’il est impossible de parler de devoir sans parler en même temps de Dieu et de l’immortalité de l’âme. En s’efforçant d’inculquer dans le cœur des enfans les notions du bien et du mal, on exposera donc aussi dans l’école les idées religieuses générales qui leur servent de base, ainsi que cela se fait en Hollande et en Amérique. Il nous faut établir maintenant que ces principes de morale et de religion ne sont point le monopole exclusif du clergé, et qu’il appartient à l’instituteur laïque de les faire connaître.

Qu’on ne se trompe pas sur la gravité de la question : il ne s’agit de rien moins que de savoir si l’état est indépendant du sacerdoce, ou si, comme continuent de le prétendre les partisans obstinés de la théocratie, le pouvoir civil doit se soumettre aux décisions suprêmes de l’église. Si la raison humaine, par ses propres forces et sans le secours de la révélation, ne peut s’élever aux notions du bien et du juste, le laïque est incapable de gouverner sans le secours de la puissance qui est le dépositaire de ces vérités. L’objet du gouvernement est la déclaration du droit et l’organisation de la justice parmi les hommes. Or le droit et la justice ne sont que des applications de la morale. Le laïque est-il incompétent en fait de morale, il l’est nécessairement aussi en fait de droit, et il ne lui appartient pas de diriger la société, qui doit marcher vers la réalisation de la justice, ou qui tout au moins doit la faire respecter. Si au contraire l’esprit humain, illuminé par cette lumière naturelle « qui éclaire tout homme venant en ce monde, » arrive à posséder les notions morales, il en résulte que le laïque peut d’abord édicter les lois et gouverner l’état sans aucun contrôle ecclésiastique, ensuite faire connaître aux générations nouvelles, par l’organe de l’instituteur, les grands principes de justice, de morale et de religion qui forment la base de la société actuelle. Ainsi donc ou il faut restaurer le système théocratique dans toute sa rigueur et introniser la toute-puissance ecclésiastique sur la ruine de la raison humaine, ou il faut accorder que l’instituteur laïque peut enseigner la morale sans se soumettre au contrôle de l’église.

On vient de voir que la sécularisation de l’école est la conséquence logique de la séparation de l’église et de l’état; mais il ne suffit pas, pour que les hommes adoptent une réforme, qu’elle se déduise logiquement d’un principe abstrait; il faut de plus que l’utilité, l’urgence en soient bien démontrées. Ce qui fait réclamer l’école laïque dans les pays catholiques, c’est, avons-nous dit, l’hostilité déclarée de l’église contre la civilisation moderne. Cette hostilité, disent les partisans de la sécularisation des écoles, est un fait qu’on serait mal venu à contester. L’église, loin de s’en défen-