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cette réforme chez la plupart des peuples catholiques. Les peuples protestans ont adopté l’école laïque, non par suite de quelque hostilité contre le culte ou ses ministres, mais en raison de la grande diversité des sectes : c’est affaire non de choix, mais de nécessité. Chez les peuples catholiques, la lutte à laquelle cette question donne lieu est au contraire un des épisodes et des symptômes de la crise religieuse qu’ils traversent. Occupons-nous d’abord des premiers.

Chez les peuples qui ont adopté la réforme, le nombre des sectes différentes est grand déjà, et il augmente chaque jour. Bossuet, qui ne comprenait que l’unité basée sur l’obéissance, croyait confondre et anéantir les partisans de la « religion prétendue réformée, » en montrant les variations et les dissidences des églises protestantes. Qu’aurait-il dit de nos jours à l’aspect de ces confessions innombrables que la liberté illimitée fait éclore chaque jour en Amérique? C’est pourtant la conséquence inévitable de l’émancipation de l’esprit humain en matière de religion. Sans doute la vérité est une, mais que de modes différens de la concevoir, de l’exposer, de se l’approprier! En fait de culte surtout, que de nuances peuvent naître de la diversité des esprits, des tempéramens, des degrés de culture ! Ce qui édifie l’un scandalise l’autre; celui-ci croit qu’il convient de louer Dieu avec des chants qu’accompagnent l’orgue et les instrumens de musique; celui-là est convaincu que la prière intime et le discours sont le seul hommage digne de la Divinité; ceux-ci baptisent les enfans, ceux-là prétendent que le baptême ne doit être accordé qu’à l’homme qui adopte le christianisme en connaissance de cause. Ces variétés qui se dessinent sur un fonds commun de croyances chrétiennes prouvent seulement que l’on attache assez d’importance aux résultats du libre travail de la pensée et de la conscience pour rompre avec la routine. La diversité des confessions est ainsi la marque certaine de la vivacité des sentimens religieux. La compression et l’indifférence peuvent seules maintenir l’uniformité. Les dissidences qui se multiplient à mesure que le sentiment religieux prend une forme plus personnelle ne doivent donc ni étonner ni alarmer, mais il faut en tenir compte dans l’organisation de l’école. On ne pourra confier l’enseignement de la religion à l’instituteur, car il appartient à une secte particulière, et ses explications ne sauraient être acceptées par les sectes rivales. Il sera impossible aussi de soumettre l’école à l’inspection et à la direction du clergé, car on ne peut appeler les ministres de toutes les communions, et admettre le ministre d’une seule serait léser les droits de toutes les autres. On est ainsi amené forcément à exclure l’enseignement dogmatique et à séculariser l’école. La notion même de l’état conduit d’ailleurs à l’adoption de cette mesure. L’état est une institution politique et non une institution religieuse. Appuyé sur les principes