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Ainsi donc il faut choisir : ou bien vous enseignerez dans l’école les dogmes de la religion, vous y appellerez le prêtre, et dans ce cas, en donnant satisfaction aux vrais besoins populaires, vous consoliderez l’ordre social; ou bien vous bannirez le prêtre de l’école, et alors par votre enseignement sans religion, sans morale digne de ce nom, vous jetterez dans les cœurs des semences d’incrédulité, d’athéisme, d’immoralité, de révolte, et vous aurez introduit dans la société moderne un irrémédiable ferment de dissolution.

Dans les pays catholiques, le clergé réclame la suprême direction de l’enseignement populaire avec plus d’insistance et au nom de principes plus inflexibles encore. Le plus important objet de l’enseignement, dit-il, est de répandre la morale et la religion. L’instruction, à vrai dire, n’a d’autre but que de préparer l’homme à remplir ses devoirs envers Dieu, envers ses semblables, envers lui-même. Or qui lui enseignera cela? Est-ce le représentant de l’autorité laïque, est-ce la philosophie? Mais qu’est-ce que la philosophie, sinon le recueil de toutes les erreurs humaines, ou une impuissante recherche de la vérité qui toujours fuit et se dérobe? Quant au pouvoir laïque, émanation de la raison éminemment faillible de l’homme, comment pourrait-il faire enseigner le dogme, puisque lui-même se déclare incompétent en cette matière? L’état est athée, l’école de l’état sera donc athée comme lui. L’église seule peut donner au peuple l’instruction religieuse dont il a besoin, car seule elle est dépositaire de la parole divine, seule elle est investie de l’infaillibilité que lui a promise le Fils de Dieu. « Allez, lui a-t-il dit, allez et enseignez tous les peuples de la terre. » Voilà son titre à la mission civilisatrice qu’elle remplit depuis dix-huit cents ans. Aussi, dans presque tous les concordats qu’il a conclus, le pape a-t-il stipulé que la haute direction de l’instruction appartiendrait au clergé. Le dernier concordat entre Pie IX et l’Autriche porte : « Article 5. L’instruction de toute la jeunesse catholique dans toutes les écoles tant publiques que privées sera conforme à la doctrine de la religion catholique. Les évêques, selon le devoir de leur charge pastorale, dirigeront l’éducation religieuse de la jeunesse dans tous les établissemens d’instruction publics ou privés... — Article 8. Tous les maîtres d’écoles élémentaires destinées à des catholiques seront soumis à l’inspection ecclésiastique. Quiconque déviera du droit chemin sera écarté. » Tel est le langage de l’église, et tous les pays qui sont restés soumis à l’autorité de Home lui ont jusqu’à ce jour abandonné l’enseignement moral et religieux.

Voyons maintenant au nom de quel principe, en vue de quel intérêt on réclame la sécularisation de l’école. Les motifs qui ont porté certains peuples protestans à exclure de l’école l’enseignement du dogme diffèrent complètement de ceux qui font réclamer