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dures lettres de Marie-Antoinette à Marie-Thérèse et aux sœurs sont dépourvues de toute suffisante indication de provenance, sur quoi se veut-on fonder pour en soutenir l’authenticité? Sur la vraisemblance littéraire et morale? Nous l’avons contestée; quand même d’ailleurs nous accorderions cette vraisemblance, il faudrait quelque chose de plus. Sur la concordance extérieure de ces lettres avec les documens irrécusables? Elles sont maintes fois en contradiction flagrante avec eux. Il n’y a, à vrai dire, qu’un seul argument : c’est qu’elles sont, à ce qu’on croit, autographes. Cela prouvé, il est clair que toutes les objections tomberaient; ce serait à nous de nous en tirer comme nous pourrions, et nos deux éditeurs, les bras croisés, prendraient en pitié l’embarras des sceptiques. Mais cet unique argument n’est-il donc pas ruiné par la seule comparaison de la véritable écriture de Marie-Antoinette, suivant les fac-simile de Vienne, avec l’écriture des lettres apocryphes, qui reproduit le caractère dont s’est servie la reine seulement dans la seconde partie de sa vie? M. Feuillet cependant ne nous donne pas gain de cause sur ce point : suivons-le dans son raisonnement.

Il accorde que Marie -Antoinette n’a pas toujours eu la même écriture, et l’année 1774 est à ses yeux l’époque de la transformation définitive de la première manière à la seconde. Nous disons, nous, ayant sous les yeux les fac-simile de Vienne, de nos archives et de la mairie de Versailles, que cette écriture ne s’est fixée que vers 1780; mais peu importe : ne discutons pas sur cette date et accordons le plus possible à M. Feuillet, en nous efforçant de résumer avec une loyale exactitude les huit pages qu’il a consacrées — ce n’est pas trop — à ce sujet important. Comment va-t-il expliquer la différence avouée entre l’écriture authentique des fac-simile de Vienne et celle des autographes que nous contestons? Rien de plus simple à son gré : cette dernière écriture n’est pas celle de la dauphine; c’est celle de son secrétaire de la main! « Écrivant mal, dit-il, elle faisait le plus souvent écrire pour elle jusqu’au jour où elle se produisit avec sa plume métamorphosée... Marie-Antoinette, à l’exemple de presque tous les rois et de quelques reines de France, avait son secrétaire de la main » chargé de reproduire son écriture. Voilà le mystère éclairci, voilà l’explication demandée; « tous tant que nous sommes, continue M. Feuillet, nous avions pris le change. J’ai réussi à fournir des élémens de conviction sur ce point, et je m’en applaudis. » Nous ne demanderions pas mieux, nous aussi, que d’applaudir; mais achevez du moins le raisonnement avant de chanter victoire. Nous vous accordons que Marie-Antoinette, à l’exemple de Catherine et Marie de Médicis, de Jeanne d’Albret, de la reine Anne, de Mme de Maintenon, de Henri IV, de Louis XIII,